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LA


RÉVOLUTION D’ANGLETERRE





Histoire de la Révolution d’Angleterre, par M. GUIZOT.




Si l’Angleterre n’avait pas son ciel gris, son froid soleil, sa brumeuse atmosphère, et l’ennui, cet autre brouillard qui la couvre et l’enveloppe, sa part serait trop belle parmi les nations; la Providence l’eût traitée en fille trop préférée, et les peuples auraient sujet d’en être trop jaloux. Nous ne parlons ni de sa richesse ni de sa puissance : c’est d’un bien plus rare qu’il s’agit. Elle a fait une révolution, elle a couru cette terrible chance; elle en a subi les maux, les excès, les folies, et le but qu’elle se proposait, la conquête qu’elle s’était promise au début de cette grande épreuve, non-seulement ne lui a point manqué, mais depuis bientôt deux siècles elle en est en possession.

Le temps n’est pas loin où nous aussi nous pouvions croire qu’au prix de plus grands maux, de plus rudes tempêtes, nous avions atteint le même port. D’apparentes analogies autorisaient seules cet espoir. La symétrie des événemens s’est un jour brusquement rompue, et nous sommes retombés dans de nouvelles séries d’épreuves. Ce qui semblait certain n’est plus que problématique. Ce but, ce noble but que nous avions touché, sans le comprendre il est vrai, ce n’est qu’à l’horizon, dans le lointain, qu’il nous apparaît encore, comme à des enfans qui ne peuvent prétendre à se conduire eux-mêmes qu’après avoir grandi en taille et en raison.

Il y a trente ans, lorsque M. Guizot entreprenait d’écrire l’histoire de la révolution d’Angleterre, ces enfans se croyaient des hommes : c’était le temps des illusions. Qui se fût alors avisé de mettre en