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Aussi, même après 1830, malgré la politique, malgré ses exigences, M. Guizot, nous le croyons, ne dut pas cesser brusquement tout commerce avec ces personnages. Matériellement parlant, il interrompit son histoire; au fond de sa pensée, il la continuait encore, et pour en ressaisir les fils, pour en reprendre la trame, il n’avait besoin ni d’efforts, ni de longues préparations.

On le vit bien en 1837, dans un de ces rares intervalles qu’il passa en dehors des affaires; à peine avait-il pris quelque repos, qu’il était déjà retourné à la révolution d’Angleterre, et ce fut alors que parut cette belle étude sur Monk, qui dans ces derniers temps a fait, on s’en souvient, l’effet d’une œuvre de circonstance, bien qu’elle eût vu le jour depuis près de quinze ans. La vie de Monk était une récréation, un travail détaché, une excursion, une reconnaissance en dehors des limites où l’œuvre principale était restée. Pour continuer son plan, pour poser à leur place de nouvelles assises, M. Guizot, à cette époque, n’avait pas devant lui des loisirs assez longs. Ces loisirs sont venus ! A quel prix ? La France s’en souvient, hélas ! mais du moins elle profite encore de l’infatigable énergie qui naguère animait pour elle et pour sa cause l’orateur et l’homme d’état : l’historien s’en est emparé. On peut dire qu’il n’a pas perdu un jour pour se remettre à l’ouvrage, et le voilà déjà terminant tout un ordre, ajoutant tout un étage à son édifice, le voilà parvenu aux deux tiers de sa tâche.

Ce sont en effet trois parties, trois périodes presque égales, qui constituent l’ensemble de la révolution d’Angleterre. La première commence en 1640, à la rupture entre les communes et le roi; elle finit en 1649, sur l’échafaud de Charles Ier, à la chute de la royauté; la seconde comprend la république, c’est-à-dire le règne du long parlement et le protectorat de Cromwell ; la troisième se prolonge depuis la restauration monarchique jusqu’à l’expulsion de Jacques II, jusqu’au triomphe définitif du gouvernement libre et légal.

De ces trois périodes, M. Guizot en 1826 n’avait traité que la première, le règne de Charles Ier; il nous donne aujourd’hui la seconde, la république et Cromwell. Ce sont deux grands sujets, deux actions complètes, deux véritables drames qui, bien qu’unis entre eux, sont distincts et séparés. Chacun forme un tout, et dans l’un comme dans l’autre, le hasard veut que l’intérêt se concentre et se personnifie en un seul homme. Charles est le héros du premier, Cromwell du second. Hors de là point de ressemblance entre les deux sujets. Ce n’est que par la forme et la disposition du cadre qu’ils se font pendant l’un à l’autre; par tout le reste, ils diffèrent.

La scène est, sans comparaison, plus variée, plus attachante, plus riche en émotions dans la première partie. Ce grand duel entre un monarque et son peuple est le plus imposant des