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Hector.

Oui, madame, je me nomme Hector, et j’ai le malheur, je vous en demande pardon, de rappeler, par les côtés les plus fâcheux de son caractère, mon illustre et bouillant homonyme.

Mademoiselle de Kerdic, gravement.

Le fils de Priam ? — Jeune homme un peu emporté, mais au fond excellent.

Hector.

Vous l’avez peut-être connu, madame ?

Mademoiselle de Kerdic.

Peut-être.

Hector.

En ce cas, madame, il y a fort à parier que vous n’ignorez pas le genre d’intérêt qui m’amène ici.

Mademoiselle de Kerdic.

Fort possible en effet.

Hector.

Quoi qu’il en soit, je vais vous le dire.

Yvonnet, à demi-voix.

C’est bien inutile, allez, monsieur.

Hector.

Veux-tu te taire, toi ?

Yvonnet.

Vous n’en serez pas le bon marchand, monsieur, croyez-moi. Je suis Bas-Breton de naissance, et je suis ferré à glace sur ces histoires-là… Monsieur, je vous en prie, là, raisonnons un peu ensemble… Je ne manque pas d’instruction, monsieur, tel que vous me voyez, et si ce n’est la lecture et l’écriture à quoi je n’ai jamais pu mordre…

Hector.

Animal !

Yvonnet.

Sérieusement, monsieur, en conscience, j’ai remarqué une chose très importante. (Il le tire un peu à l’écart.) Monsieur, il y a deux espèces de phénomènes dans la nature, ceux qui sont naturels, — et ceux qui ne sont pas naturels (Impatience d’Hector.) Eh bien ! monsieur, tout ce que nous voyons ce soir n’est pas naturel. Cette sombre forêt, cette tempête effroyable, cette maison isolée, — cette dame majestueuse qui fait tranquillement de la tapisserie, — tenez, regardez comme ses yeux brillent, monsieur !… À son âge, est-ce naturel, je vous le demande ?… D’où je conclus…

Hector.

Si tu ajoutes un mot, je te vais jeter par la fenêtre, et ce sera un phénomène naturel, celui-là. — Veuillez m’excuser, madame : je reprends. Un ami à moi, le meilleur de mes amis…