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Scène XII.

Les mêmes, MADEMOISELLE DE KERDIC ; elle a vingt ans : elle est vêtue de blanc et porte un diadème de fleurs sauvages ; elle s’avance lentement, tenant à la main une baguette de fée. Arrivée à quelques pas de comte, elle laisse tomber sa baguette.
Mademoiselle de Kerdic, du ton d’une jeune fille.

Monsieur de Comminges, je dois déposer devant vous les insignes d’un pouvoir qui n’est plus, car ce n’est plus une fée, — hélas ! c’est presque une suppliante qui vous parle. — Je suis, monsieur, cette provinciale qu’une amitié trop indulgente avait jugée digne de porter votre nom.

Le Comte.

Mademoiselle d’Athol !…

Mademoiselle de Kerdic.

Jeanne d’Athol… Oui… Vous me trouverez bien hardie et à peine excusable, monsieur, d’avoir osé, même avec la sanction et la complicité d’un frère… (elle montre François) d’avoir osé employer des moyens de théâtre pour obtenir une conversion qui fut le vœu,… la prière,… le dernier ordre d’une mourante…

Le Comte.

Ma mère !…

Mademoiselle de Kerdic.

Ma tâche serait remplie, monsieur, si je vous avais prouvé que vous vous êtes trompé de chemin, qu’il est une vie plus digne d’un homme et de celui qui la donne, qu’il est des féeries plus réelles et plus douces que celles où votre imagination vous attirait… Oui, ma tâche serait remplie… (avec un accent ému et triste) et je serais heureuse… quand même ce moment et celle qui vous le prépara ne devraient être pour votre cœur qu’un rêve oublié demain,… un secret, monsieur, que je laisserais sans crainte à la garde de votre loyauté.

Le Comte, en extase.

De grâce,… que ce rêve ne finisse jamais ! (Il lui prend la main et s’incline jusqu’à terre.)

Mademoiselle de Kerdic, secouant la tête.

N’est-ce pas à la fée encore que cet hommage s’adresse ?

Le Comte.

Non… C’est à l’ange. (Il pose son front, comme pour cacher son émotion, sur la main de la jeune fille.)

Mademoiselle de Kerdic, à François, qui l’interroge du regard.

Il pleure… il est sauvé !


Octave Feuillet.