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est intervenu pour demander au corps législatif l’autorisation de poursuivre M. de Montalembert : cette autorisation a été accordée. Voilà le fait dans sa simplicité. On ne saurait rien ajouter à cet incident, qui en lui-même échappe par divers côtés à toute appréciation. Il ne reste que cette impression dernière de l’étrange instabilité des choses et de cet enchaînement de circonstances qui fait passer tout à coup un homme éminent au rang d’accusé.

Si la politique a de temps à autre ses incidens, comme on le voit, le gouvernement, dans un autre ordre d’idées, poursuit la réalisation d’une série d’améliorations accomplies sous ses auspices et par son initiative dans les conditions matérielles de la population ouvrière. On en avait récemment la preuve par un rapport de M. le ministre de l’intérieur sur l’amélioration des logemens des ouvriers dans les grandes villes manufacturières. À Paris, à Marseille, à Mulhouse, des sociétés se sont formées pour construire, avec le secours d’une subvention de l’état, des habitations simples, commodes et saines. Déjà des essais ont été faits, d’autres se poursuivent. Par une combinaison ingénieuse, d’après un système dont l’expérience va se faire à Paris, l’ouvrier locataire, en ajoutant cinquante centimes par jour, peut devenir propriétaire de son logement. Seulement ce léger prélèvement quotidien, joint au prix annuel du loyer, qui est de 365 francs, dénote que ce système n’est applicable qu’à une certaine catégorie d’ouvriers qui peuvent mettre une somme encore assez forte à leur loyer. Rien n’est mieux que de travailler sans cesse à élever la condition matérielle des classes populaires ; c’est en quelque sorte la loi de la civilisation, et ce progrès de la vie matérielle ne sera jamais plus sûr, jamais plus à l’abri des déceptions et des catastrophes qu’en s’appuyant sur l’élévation des conditions morales, sur le développement de toutes les notions saines, justes et religieuses.

C’est à l’intelligence de coopérer, dans son indépendance, à cette œuvre, en ne séparant point l’influence morale, l’idée de tous les devoirs humains, des lumières qu’elle propage et qu’elle popularise. N’est-ce point là du reste un des faits propres à notre siècle que cette popularisation infatigable de toutes les notions intellectuelles ? La science elle-même ne cache plus ses mystères, elle se met à la portée de tous, et les plus rares talens ont marqué dans cette divulgation scientifique. Un des hommes qui ont le plus hardiment marché dans cette voie, c’est certainement M. Arago. Le penchant de ses opinions politiques l’y poussait peut-être un peu ; il mettait un peu de démocratie dans la science, et à coup sûr Iieaucoup de science dans la démocratie : il aimait la popularité et ne se faisait i » as faute d’ouvrir la porte du sanctuaire ; mais il était servi aussi pur la nature de son talent, qui excellait à vulgariser toutes les données scientifiques et à les rapprocher île toutes les intelligences. Les œuvres de M. Arago, qu’on recueille aujourd’hui, sont l’expression de ce talent. Tel est le caractère de ces remarquables notices sur Fresnel, sur Young, sur le physicien Volta, sur James Watt, que l’auteur lisait successivement à l’Académie des sciences. M. Arago passe avec l’aisance d’un esprit supérieur et clair à travers tous ces problèmes de la polarisation, de l’électricité, de la chaleur du globe, de la machine à vapeur, qu’il rencontre naturellement dans ses notices, dont il est maître lui-même, et