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REVUE DES DEUX MONDES.

songer, parce que leur ouvrage arrive au but sans qu’on se demande qui a gagné le procès, ou même si le procès a été plaidé. Est-ce un défaut ? est-ce un mérite ? Si l’on en jugeait par l’événement, la question serait vite résolue. Tel qu’il est, avec toutes les conditions de succès qu’il réunit, représenté avec un ensemble qu’on aurait peine à trouver aujourd’hui au Théâtre-Français, le Gendre de M. Poirier peut être regardé, sinon comme une comédie complète, répondant exactement à l’idée des auteurs, à celle qu’une critique exigeante a le droit d’indiquer et de regretter, au moins comme une des pièces les plus agréables et les plus charmantes qui aient été jouées depuis longtemps.

ARMAND DE PONTMARTIN.


REVUE LITTÉRAIRE.

Histoire de la Réunion de la Lorraine à la France, par M. le comte d’Haussonville.

De grands travaux ont renouvelé de nos jours l’étude des origines et des progrès de la société française. On peut dire que, dans ses traits généraux, l’histoire de notre pays est désormais fixée. Il est encore un domaine cependant où n’ont pas pénétré complètement ces procédés d’investigation sévère et d’intelligente analyse qui font l’honneur et l’originalité de la science contemporaine. L’histoire de nos anciennes provinces, écrite généralement à un point de vue exclusif, attend encore qu’on lui applique les méthodes fécondes introduites par d’éminens historiens dans les questions d’histoire générale. Des études sur nos anciennes provinces, animées de l’esprit qui a renouvelé la science historique dans ses applications les plus étendues, auraient à la fois l’avantage de compléter en plus d’un point les notions déjà recueillies, et d’assigner aux recherches locales la direction précise, la haute signification qui jusqu’ici leur ont manqué.

C’est une de ces études qu’a voulu entreprendre M. le comte d’Haussonville, en racontant, dans un ouvrage dont le premier volume va paraître[1], l’histoire des négociations qui ont amené la réunion de la Lorraine à la France. Il fallait, pour traiter un semblable sujet, unir au sentiment des devoirs qu’impose l’histoire politique l’habitude et le goût de ces recherches auxquelles rien n’échappe dans le drame historique, ni le secret des événemens, ni la physionomie des acteurs. En éclairant ici même[2] quelques points obscurs de nos annales diplomatiques dans une période tout, récente, M. d’Haussonville avait pu consulter ses souvenirs aussi bien que ceux des personnes considérables mêlées aux événemens et aux négociations dont il s’était fait l’historien. Il avait aujourd’hui à se transporter au milieu des intérêts et des passions d’un autre siècle. Interroger des documens contradictoires, en tirer des conclusions précises, et mieux encore, des récits

  1. In-8°, chez Michel Lévy, rue Vivienne.
  2. Voyez les livraisons du 1er octobre, 1er novembre, 15 décembre 1848, ler mai 1849 et 15 février 1850.