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précède la réunion définitive. « Tous deux, dit-il, le roi et le cardinal, s’enorgueillirent de leur succès; ils avaient tort cependant. Un siècle entier devait s’écouler pendant lequel la Lorraine et ses princes devaient encore résister énergiquement et traverser ensemble beaucoup de bons et de mauvais jours avant d’accomplir leur inévitable destinée. »

Un seul épisode a peut-être suffi pour donner une idée de l’intérêt qui s’attache au livre de M. d’Haussonville. Nous n’ajouterons rien à nos citations, à cette rapide analyse que suivra quelque jour une appréciation plus étendue. Ce qui nous paraît désirable, c’est que de tels travaux ne restent pas isolés. L’histoire de nos provinces ainsi comprise étend singulièrement l’horizon de l’histoire générale, et M. d’Haussonville, en reprenant, pour en montrer l’importance, un sujet abandonné jusqu’ici à l’érudition locale, a indiqué à la science historique un terrain où il lui reste encore plus d’une conquête à faire.

V. DE MARS.


PEINTURES DE M. CHASSERIAU A SAINT-ROCH.

La peinture monumentale n’est plus aujourd’hui ni une exception, ni un accident. L’usage d’incorporer les ouvrages du pinceau aux pierres mêmes des édifices tend, à se généraliser de plus en plus. Il est fâcheux que ce progrès nous ait laissés jusqu’ici à peu près indifférens, et que nous nous obstinions à ne pas voir les spécimens de la peinture historique ou religieuse là où ils se trouvent réellement. La presse même, qui a pour fonction d’avertir l’opinion et de la guider, garde trop souvent le silence sur les productions exposées en dehors du salon, et on pourrait citer tel ouvrage de longue haleine, telle peinture murale dont elle s’est beaucoup moins occupée que du moindre petit tableau admis dans ce prétendu sanctuaire de l’art. Est-ce juste ? bien plus, est-ce prudent ? Il semble assez douteux que ces toiles auxquelles nous accordons aujourd’hui une attention exclusive comparaissent en fort grand nombre devant la postérité, et cela diminue jusqu’à un certain point notre part de responsabilité future; mais les peintures monumentales, en raison même de leurs conditions matérielles, resteront infailliblement pour honorer ou accuser l’art du XIXe siècle. Comment dès lors ne pas s’intéresser avant tout aux œuvres qui engagent à ce point la gloire de notre école et qui peuvent la compromettre dans l’avenir ?

Rassurons-nous cependant. Beaucoup de ces peintures que nous oublions presque de regarder rendront bon témoignage de l’art contemporain. Sans parler des œuvres magistrales de M. Ingres, des brillantes fantaisies de M. Delacroix, des pieuses et chastes compositions de M. Flandrin, on pourrait citer parmi les travaux les plus récens bien des productions dignes d’estime, plus d’une entreprise menée à fin, sinon avec un éclatant succès, du moins avec une habileté remarquable et une honorable sincérité. Les peintures que M, Chassériau vient de terminer à Saint-Roch appartiennent à cette classe d’ouvrages empreints en même temps de force et de modestie. Louer ainsi un talent dont la qualité habituelle n’est pas, on le sait de