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ses engagemens : mais cette mission était à peine accomplie, que déjà le roi Frédéric-Guillaume, cédant à l’entraînement universel, joignit ses forces à celles d’Alexandre et conclut avec lui un traité fondé sur la double base de la libération de l’Allemagne et la reconstruction de la monarchie prussienne dans les proportions qu’elle avait eues avant la bataille d’Iéna. L’Autriche mit plus de temps à se décider : l’esprit public, bien que très hostile aussi à la France, y était moins violemment passionné ; il n’exerçait pas une action aussi puissante sur le gouvernement, et le gouvernement lui-même se trouvait uni à l’empereur des Français par des liens bien autrement étroits, qui ne pouvaient être aussi brusquement dénoués. Le caractère du ministre dirigeant, le comte, depuis prince de Metternich, le disposait d’ailleurs à plus de ménagemens. Peu susceptible de haine et peu enclin aux résolutions téméraires, il eût préféré toute combinaison qui, sans exposer l’Autriche et l’Europe aux chances d’une guerre à mort contre Napoléon, eût fait rentrer la puissance française dans des limites conciliables avec le repos et l’indépendance des autres états. C’est dans ce sens que se dirigea d’abord la politique du cabinet de Vienne. Déjà il avait fait prendre une attitude de neutralité au contingent autrichien mis l’année précédente à la disposition de Napoléon : il pressait avec aussi peu de bruit et d’éclat que possible les armemens nécessaires pour se mettre en mesure d’intervenir efficacement dans la lutte ; mais tout en offrant ses bons offices à la France pour le rétablissement de la paix, tout en couvrant de ce prétexte spécieux les négociations qu’il ouvrait dès lors avec la Russie et l’Angleterre, il ne cessait de répéter qu’il entendait persister dans une alliance dont la base était la garantie réciproque de l’intégralité des empires de France et d’Autriche.

Ces hésitations, ces tâtonnemens, se prolongèrent jusqu’au moment où Napoléon, reprenant l’offensive à la tête d’une armée de conscrits qu’il avait levée et organisée en trois mois, avec cette activité incomparable qui était peut-être une de ses plus merveilleuses facultés, vint arrêter en Saxe la marche des Russes et des Prussiens, et, par deux éclatantes victoires, les repousser jusqu’en Silésie. Par ce retour de fortune, le héros semblait avoir repris son ascendant. L’Autriche comprit qu’il était temps de s’interposer plus directement. Renonçant à des tergiversations qui commençaient à inquiéter les puissances coalisées, elle proposa l’ouverture d’un congrès où les parties belligérantes essaieraient, sous sa médiation, de se mettre d’accord sur les conditions de la paix, et un armistice dont la durée limitée fixerait celle de la négociation. La proposition fut acceptée ; il eût été difficile de la repousser sans déclarer qu’on ne voulait pas la paix, et d’ailleurs, dans la supposition même de