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subsides de l’Angleterre étaient en quelque sorte le ciment, ne devait plus se présenter à la France que comme une masse compacte dont elle eût vainement essayé de disjoindre les élémens. À Prague, Napoléon aurait eu encore la possibilité de traiter avec le continent à l’exclusion de l’Angleterre, si elle s’était montrée trop exigeante ; plus tard, cette chance avait disparu.

La reprise des hostilités fut marquée par un éclatant succès de Napoléon. La bataille de Dresde, un de ses plus glorieux triomphes, put faire croire un instant que les temps d’Austerlitz et d’Iéna étaient revenus ; un instant il put penser que les portes de Vienne et de Berlin allaient encore s’ouvrir devant lui, mais l’illusion fut courte. Bientôt des échecs graves, se succédant rapidement sur tous les points où sa présence ne commandait pas la victoire, le réduisirent à une défensive dont la prolongation, dans l’état des choses, ne pouvait que tourner contre lui. La fortune lui devenait contraire. Le plus puissant des états de la confédération du Rhin, la Bavière, qu’il avait tant agrandie, craignant de se compromettre par une trop longue fidélité à la cause du malheur, accéda à la coalition. Cette défection en annonçait d’autres et les rendait presque inévitables. Napoléon, menacé de perdre ses communications avec la France, se décida à abandonner la position centrale de Dresde, où jusqu’alors il avait tenu en échec ses ennemis, qui, malgré la supériorité toujours croissante de leurs forces, n’osaient encore, après la défaite qu’ils y avaient essuyée, venir l’attaquer de nouveau. Enhardis par sa retraite, il se mirent enfin en mouvement et l’atteignirent dans les plaines de Leipzig, où se livra, le 18 octobre, cette bataille des nations, la plus terrible sans aucun doute qu’aient vue les temps modernes. Vaincu, accablé par le nombre, obligé encore, quelques jours après sa défaite, de livrer à Hanau un nouveau combat à un corps austro-bavarois, composé de troupes fraîches, qui voulait lui fermer la route de France, il dut s’estimer heureux de pouvoir se frayer un passage et ramener de l’autre côté du Rhin les débris de son armée, en laissant dans les forteresses de l’Allemagne cent mille soldats perdus ainsi pour la défense de nos frontières.

La cause de l’indépendance de l’Europe et en particulier de l’Allemagne, ce but premier de la coalition, était décidément gagnée. Les gouvernemens continentaux, étonnés de leurs succès et n’en comprenant pas toute l’étendue, semblèrent d’abord disposés à en user avec modération et à ne pas pousser à bout leur formidable adversaire. On les vit s’arrêter pendant deux mois devant cette barrière du Rhin dont ils s’exagéraient la force, ils crurent même, dans leur haute fortune, devoir prendre l’initiative d’une nouvelle et plus sincère tentative de pacification. Les événemens de la guerre ayant fait