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la personne qui occupait en ce moment le gouvernement de Naples. (C’est ainsi que lord Castlereagh, dans sa correspondance de cette époque, désignait habituellement Murat. Souvent aussi il l’appelait, avec un formalisme pédantesque, le maréchal Murat, comme pour mieux lui dénier la qualité princière[1]. Il n’y eut ni alors, ni plus tard, de la part de l’Angleterre ni des autres puissances coalisées, à l’exception de l’Autriche, aucune reconnaissance formelle des droits du monarque napolitain, ce qu’il ne faut d’ailleurs attribuer qu’à la rapidité avec laquelle les événemens ne tardèrent pas à se précipiter. Les lettres de lord Castlereagh prouvent en effet qu’on s’était pleinement résigné à tenir envers Murat les promesses de l’Autriche, sauf à procurer aux Bourbons de Sicile une apparence d’indemnité ; mais elles prouvent aussi qu’on regrettait vivement la nécessité de cette concession. Le nouvel allié était l’objet d’une malveillance toute particulière ; autant et plus que Bernadotte, il inspirait des soupçons auxquels l’hésitation et la lenteur de ses mouvemens fournirent bientôt trop de matière, et du moment où les circonstances rendirent son concours moins évidemment utile, on s’attacha à recueillir les indices qui, en accusant sa bonne foi, pouvaient infirmer les engagemens pris envers lui. L’Autriche, plus positivement liée à son égard, ne participait pas à ces sentimens presque hostiles ; mais le caractère, la position même de M. de Metternich ne promettaient pas au possesseur actuel du royaume de Naples un protecteur aussi chaud que l’empereur Alexandre l’était pour Bernadotte, et Murat, n’ayant d’autres droits à sa couronne que les victoires et le choix de l’empereur son beau-frère, eut dû comprendre, comme le prince Eugène, dont les alliés avaient aussi tenté la fidélité par de brillantes promesses, que son intérêt bien entendu était d’accord avec les inspirations de l’honneur et de la loyauté pour lui conseiller de rester fidèle à la cause à laquelle il devait sa gloire et son trône.

Je viens d’exposer les principaux élémens de discorde que la coalition renfermait dans son sein ; je n’en finirais pas, si je voulais poursuivre cette énumération en descendant au détail des intérêts de ses membres moins considérables.

Le gouvernement britannique était, par un heureux concours de circonstances, en mesure d’intervenir avec quelques chances de succès dans les différends qui partageaient ses alliés. Il n’avait jamais plié sous la toute-puissance de Napoléon et n’avait jamais reconnu son titre impérial. Ce fait seul, en le dégageant des antécédens fâcheux qui compliquaient la politique des autres cabinets, lui créait une véritable supériorité de position. Les inépuisables ressources de

  1. Ce qui est plus étrange, c’est que lord Castlereagh appelait le prince Eugène le maréchal Beauharnais, nien qu’il n’eût jamais été revêtu de cette dignité.