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dans les conférences officielles, d’élargir tant soit peu les limites si étroites où ses adversaires prétendaient renfermer la négociation. L’acceptation des propositions des alliés, le rejet de ces propositions ou un contre-projet formel qui en conservât toutes les bases, telles étaient, lui répétaient sans cesse les plénipotentiaires de la coalition, les seules réponses qu’ils pussent recevoir. S’il se hasardait à rappeler combien les offres de Francfort avaient été plus modérées, les uns niaient avec peu de bonne foi qu’elles eussent jamais eu un caractère formel ; le comte Razumofsky, plus franc et plus dur, disait que les alliés avaient eu le droit de devenir plus exigeans en proportion de leurs succès. S’il demandait ce qu’on ferait des territoires cédés par la France, ce même comte Razumofsky déclarait que la position actuelle de la France en Europe ne lui donnait aucun titre pour se mêler des affaires de l’Europe ; le comte Stadion ajoutait que les alliés se réservaient de faire leurs arrangemens et que la France n’avait pas le droit de s’en enquérir. On refusait même toute explication sur le sort réservé aux alliés de Napoléon, aux membres de sa famille, aux rois de Saxe, de Westphalie, au vice-roi d’Italie. Une sorte d’ironie amère et concentrée se mêlait quelquefois à la rudesse de ce langage. Le duc de Vicence ayant un jour énuméré, parmi les cessions que la France était disposée à faire, et dont on devait lui tenir compte dans l’ensemble des arrangemens, celle des colonies qu’elle abandonnerait à l’Angleterre, lord Cathcart le pria d’indiquer les colonies qu’elle avait à céder, voulant dire par là que l’Angleterre s’était déjà emparée de toutes les possessions françaises situées au delà des mers. Il fallut que le duc de Vicence rappelât à ce représentant d’une alliance formée, disait-on, pour la restauration des principes de droit et de justice, que les droits de la conquête ont besoin, pour être valables, d’être confirmés par les traités.

Repoussé ainsi de toutes parts, renfermé dans d’infranchissables barrières qui ne lui laissaient aucune liberté de mouvement, le ministre français cherchait à s’ouvrir une issue en s’adressant par écrit à M. de Metternich, qui n’était pas à Châtillon, mais qui avait consenti à continuer avec lui une correspondance confidentielle depuis longtemps entamée ; il essayait de lui persuader que l’Autriche avait intérêt à ne pas laisser accabler la France, de réveiller dans le ministre de l’empereur François quelque reste de sympathie pour la fille, pour le petit-fils de ce souverain, menacés de si cruelles épreuves. De ce côté, ses adjurations, ses supplications étaient reçues avec moins de sécheresse. Les réponses de M. de Metternich étaient empreintes d’un esprit de courtoisie bienveillante, elles témoignaient un désir sincère d’arriver à une pacification ; mais cette pacification, y