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La foudre, l’électricité, mettent parfois le feu aux édifices et aux substances combustibles qui se trouvent sur leur passage. On a donc demandé à l’agent électrique de produire de la chaleur. Voici, entre mille, l’expérience capitale qui a répondu à ces recherches. Soudez des fils métalliques aux deux extrémités d’une pile et rapprochez les deux bouts de ces file en sorte que l’électricité passe en courant continu d’un fil à l’autre. Alors, si dans la flamme qui entoure le bout de ces fils réunis on place un corps quelconque des plus difficiles à fondre, il se résout en très peu de temps en gouttes fluides. Les métaux réfractaires, les minéraux précédemment infusibles, les terres, les cailloux, rien ne résiste à l’action d’un tel foyer.

De la vive et fugitive lumière des éclairs et des étincelles électriques, on a été conduit à chercher dans l’électricité une illumination constante et utilisable. La disposition précédente, légèrement modifiée, a fourni plus qu’on n’aurait osé l’espérer. En terminant les fils soudés aux deux extrémités de la pile par des tiges de charbon, les deux charbons ainsi rapprochés sont entrés dans une violente ignition ; il s’est produit une lumière aussi insupportable à l’œil que la lumière du soleil, et très bien qualifiée par la désignation d’éclat solaire. Tout le monde sait qu’après avoir essayé d’éclairer des boutiques par cette lumière électrique, on a été obligé d’y renoncer à cause de sa trop grande vivacité, qui blessait les yeux. Par ce moyen, on a illuminé la nuit de vastes ateliers en plein air comme dans le jour, et rendu, en cas d’urgence, les travaux possibles sans intermittence, un a pu très commodément remplacer la lumière solaire dans les jours couverts et dans les localités les moins susceptibles d’insolation. Les expériences du microscope, autrefois dit exclusivement microscope solaire se sont produites à toute heure et dans tout local. Plusieurs de nos lecteurs ont été sans doute témoins des séances curieuses et variées où notre habile opticien Duboscq fait passer en revue à une nombreuse société une quantité immense de faits de chimie, de physique, d’optique, d’histoire naturelle, de structure animale et végétale, et même de météorologie et d’astronomie, comme on aurait pu le faire sur l’écran d’un amphithéâtre à fenêtres closes, et recevant par un réflecteur la lumière même d’un soleil brillant.

Nous sommes encore loin d’en avoir fini avec les merveilles de la pile voltaïque. Les corps légers sont mis en mouvement dans l’antiquité par le succin. La pile peut-elle donner du mouvement ? Avec l’appareil de Volta, on a dirigé des bateaux. M. Jacobi, sur la Neva, avait obtenu d’un appareil électrique une force de plusieurs chevaux. Un industriel des environs de Swansey, en Angleterre, navigue sur un lac avec un moteur encore plus puissant ; mais c’est surtout pour des forces d’une moyenne grandeur que rien ne peut égaler la précision, la régularité, et pour ainsi dire le travail intelligent de l’électricité. Les ateliers de précision de notre excellent artiste M. Froment, qui a si bien soutenu l’honneur français à l’exposition de Londres en 1851, marchent et s’arrêtent d’eux-mêmes à l’heure fixée d’avance par le directeur du travail ou par un visiteur quelconque. C’est à crier au prodige. Dans une autre sphère des hautes sciences appliquées, on voit, à l’établissement de M. Ville, fonctionner les moteurs électriques comme des auxiliaires ordinaires. Le laboratoire de M. Ville est un modèle des plus grandioses pour l’application