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considérables. On cite des pépites d’or d’une valeur de plus de cent mille francs ; la nature a-t-elle produit par une espèce de création le métal précieux ? Non. Matériellement, rien ne naît ni ne périt. Toutes les grandes force de la nature, les forces mécaniques, les forces physiques, les forces chimiques et les forces végétales ou physiologiques, qui dominent le monde entier, ne peuvent ni détruire ni créer un gramme de substance ; mais ces forces peuvent rendre mobiles, réunir, condenser des particules métalliques disséminées dans le sol et les galvanoplastiser en un morceau d’or pur ou pépite. Reste à constater l’existence de l’or dans le terrain, et spécialement dans les environs de Paris : c’est ce qu’a fait M. Sage, professeur de chimie à la Monnaie. Les arbres, les arbustes et notamment la vigne prennent dans le sol des sucs nutritifs qui s’incorporent à leur tige et à leur écorce. En brûlant des sarmens de vigne, toute la partie charbonneuse disparaît, et il ne reste qu’un petit résidu de cendres. En rassemblant une quantité suffisante de ces cendres, que l’on traite ensuite par les réactifs chimiques, on en tire une petite quantité d’or. Cet or existait donc dans le sol qui nourrissait les plantes. Par ce procédé, M. Sage en avait réuni assez pour en faire frapper quatre ou cinq pièces de vingt francs. On remarquera que cette belle expérience scientifique, n’était, comme opération industrielle, aucunement avantageuse. Je crois me souvenir que le prix de fabrication, en comptant tout, s’élevait pour chaque pièce à cent ou cent vingt-cinq francs. Ainsi la dépense était quatre on cinq fois la valeur produite. Ceci rappelle un axiome qui a cours dans l’Amérique espagnole : « Le premier qui exploite une mine d’argent y perd sa fortune ; si c’est une mine d’or, il meurt à l’hôpital.

La galvanoplastie, née d’hier parmi les sciences électriques, va de jour en jour augmentant son domaine théorique et pratique. La science, complète aujourd’hui, cesse de l’être demain. Qu’auraient dit tous les artistes d’avant 1840, si on leur eût montré une statue de bronze obtenue à froid et avec des finesses de modelé incroyables ? Ils n’y auraient pas cru. C’est ce qui est arrivé pour les premières médailles galvanoplastiques : on refusait net d’y voir autre chose que des pièces coulées au feu. Dans cet exposé de quelques effets de l’électricité, nous n’avons pas même indiqué les aurores boréales et les courans électriques du soleil et de la lune, qui sont sensibles à l’aiguille aimantée. D’autres phénomènes d’électricité ont aussi été observés sur les planètes. Ainsi notre tableau est bien incomplet encore, et pourtant, il y a deux siècles, le nom même de cette vaste science, à la fois rationnelle et industrielle, n’existait pas ! Veut-on entrevoir pourquoi le domaine de l’électricité est si vaste ? C’est que, par ses propriétés mécaniques, physiques, chimiques et physiologiques, l’agent électrique règne en réalité sur la nature entière.


BABINET, de l’Institut.