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dont les escadres combinées étaient entrées dans les Dardanelles. La question d’Orient avait donc cessé d’être contenue dans la voie des négociations ; l’action était commencée. Pour la clarté du récit, nous allons successivement exposer la marche du cabinet autrichien dans la sphère diplomatique, et montrer son attitude et ses dispositions par rapport aux mesures d’action où allaient s’engager de plus en plus la France et l’Angleterre. La période sur laquelle va porter d’abord notre double examen est fixée par des dates ; elle s’arrête au 13 janvier 1854, c’est-à-dire au moment où fut signé le protocole de la conférence de Vienne, qui approuvait et envoyait à Pétersbourg les préliminaires de paix offerts par la Turquie, et à l’époque où la France et l’Angleterre avaient signifié à la Russie l’entrée de leurs escadres dans la Mer-Noire.

Le mois d’octobre fut perdu pour les négociations ; le cabinet autrichien ne voulait plus se prêter à des projets de transaction, de peur de s’attirer un refus brutal de la Russie. Cependant M. de Buol avait à cœur de sauver du naufrage de la note de Vienne la conférence, c’est-à-dire le lien collectif de l’union des quatre puissances. Il saisit pour cela la première occasion. L’état de guerre existant maintenant entre la Turquie et la Russie, les traités antérieurs qui régissaient les relations de ces deux états étaient détruits ; le différend ne pouvait plus se terminer par une simple note de la Porte ; la paix ne pouvait être rétablie que par un traité. M. de Buol interrogea le cabinet de Saint-Pétersbourg sur cette situation nouvelle ; M. de Nesselrode lui répondit que la Russie était prête à traiter. Quoiqu’il fût autorisé par M. de Nesselrode à faire part directement à la Porte de ces dispositions, M. de Buol s’empressa de les transmettre à la conférence, afin de lui rendre la vie et de conserver le lien collectif. Muni de cette base, il entra dans les idées de M. Drouyn de Lhuys, qui a presque toujours eu l’heureux et rare mérite, dans le cours de ces négociations, de devancer les événemens, — sur la nécessité de donner à la réunion des représentans des quatre puissances à Vienne un caractère de conférence sérieuse, consignant les résultats de ses délibérations dans des protocoles, et traitant avec les deux puissances belligérantes sur le pied d’une égalité complète. Ce fut avec ce caractère que la conférence reprit ses travaux au commencement de novembre. En s’appuyant sur la disposition de la Russie à traiter, il s’agissait d’adresser à la Porte une note collective. Ce document, dans la pensée de M, de Buol, devait exprimer le regret éprouvé par les quatre puissances en voyant la guerre succéder aux négociations, rappeler le préambule du traité de 1841, récapituler les assurances données à Olmütz, et exprimer la conviction que la Porte persévérait dans ses engagemens antérieurs. Il inviterait la Porte à traiter, en lui demandant de faire