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plan combiné d’opérations militaires contre les Russes, le moment enfin où notre concours sera le plus efficace. Soyez en mesure d’opérer avant d’exiger notre coopération ; formez l’aile gauche de l’armée qui doit repousser l’invasion russe, avant de nous demander de vous fournir l’aile droite. Notre lenteur ne compromet aucun de nos intérêts communs ; c’est notre précipitation qui pourrait leur nuire, en nous exposant gratuitement à un revers. D’ailleurs ces délais ne sont pas perdus : nous employons le temps qui vous est nécessaire pour entrer en ligne à prendre nos sûretés en Allemagne, à fixer par une convention militaire nos relations éventuelles avec la Prusse, à régler des questions vitales que tout gouvernement digne de ce nom doit résoudre avant déjouer les destinées d’un empire. Vous-mêmes vous êtes intéressés à mesurer la date de nos engagemens à la certitude où nous serons de les tenir, et à nous voir augmenter, par des précautions qui nous garantissent la libre disposition de nos forces, la puissance du concours que nous voulons vous prêter. »

L’entrée de l’Autriche dans la voie de l’action où la France et l’Angleterre l’ont précédée était donc subordonnée à deux conditions : la première était le règlement de ses affaires avec la Prusse et l’Allemagne ; la seconde est l’arrivée des troupes anglo-françaises sur les Balkans. Or, de ces deux conditions, la première est entièrement remplie, et la seconde sera réalisée avant un mois. On connaît aujourd’hui la convention signée à Berlin le 20 avril. Elle assure complètement à l’Autriche le concours de la Prusse. Dans l’annexe de cette convention, les divers cas propres à motiver l’intervention militaire de l’Autriche sont successivement énumérés, et ces cas, la Prusse s’est engagée à les considérer comme impliquant ipso facto une atteinte à des intérêts allemands ou autrichiens, et comme devant donner lieu à l’exécution immédiate de la promesse d’appui mutuel. On peut dire que cette annexe à la convention du 20 avril place dès à présent la Russie entre une sommation et une interdiction prononcées par l’Autriche et répétées par la Prusse. L’Autriche demande d’abord à l’empereur de Russie de suspendre tout mouvement en avant de son armée sur le territoire ottoman, et de donner des garanties complètes pour la prochaine évacuation des principautés danubiennes ; si sur ces deux points les réponses de Pétersbourg ne sont pas de nature à donner une sécurité complète, la Prusse doit tenir ses armées prêtes à appuyer celles de l’Autriche. Telle est la sommation faite à la Russie ; voici l’interdiction qu’on lui signifie. On lui défend non-seulement d’incorporer les principautés, non-seulement de passer la ligne des Balkans, mais même de l’attaquer ; si cette interdiction n’était pas respectée, on annonce à la Russie que l’action offensive de l’Autriche et de la Prusse commencerait à l’instant. De pareilles stipulations