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bien le rattacher à Meyerbeer, car il procède également des deux, et plus directement encore, je le répète, du chantre de Robert le Diable et des Huguenots que de l’auteur de Guillaume Tell.


VIII. – AVENEMENT DES NOUVEAUX MAITRES. – BELLINI ET DONIZETTI.

Rossini déserta donc en 1820 la voie traditionnelle de l’opéra italien ; il la déserta pour n’y jamais rentrer. Un moment, l’Italie eut l’air de vouloir ressaisir cette domination musicale qui lui échappait : ce fut à l’avènement de Bellini ; mais comme dans cet enthousiasme national qui salua le jeune maître la politique se trouva mêlée, il importe de lui faire sa part.

Au lendemain des journées de juillet, l’Italie, on s’en souvient, eut un de ces tressaillemens patriotiques dont toutes les commotions qui ébranlent la France amènent périodiquement le contre-coup. L’illusion dura peu, et il en résulta un découragement qui, se combinant avec le sensualisme du sol et sa frivolité, eut pour conséquence une certaine sentimentalité maladive ignorée des temps où chantaient les Cimarosa et les Rossini. La vocation de Bellini fut de traduire en musique cette vague disposition des âmes. Il toucha la note juste, il soupira l’hymne de Sion aux oreilles de ces nouveaux Hébreux assis sur les rives du fleuve, et de là ces transports unanimes, ces ovations, élans suprêmes du patriotisme chez un peuple avant tout dilettante. Il ne manquait plus à Bellini pour sa complète apothéose que de mourir jeune ; le destin le servit à souhait. Son trépas si mélancolique fit de lui le héros d’un mythe national ; il prit place à côté de Raphaël. Rossini avait chanté l’Italie oublieuse, frivole et galante, la terre du soleil, des fleurs, des Olympia, des Scaramouche et du macaroni ; Bellini chanta l’Italie asservie et défaillante ; sa voix efféminée, interprète des langueurs d’un grand peuple, semble déjà pressentir Novare !

Cette corde nationale prédominante n’empêcha point Bellini de tomber à son heure dans le tourbillon parisien. Lui aussi dut céder à la force attractive du grand centre magnétique. La partition des Puritains restera comme un signe éclatant des modifications que l’influence française fit subir à son tempérament. Par cet opéra d’un style plus soutenu, d’une expression plus dramatique, le jeune maître élargissait son horizon ; on crut y voir l’assurance d’un grand avenir. La mort y mit obstacle, et cette fois peut-être avec discernement et dans l’intérêt même d’une gloire si aimable, qu’elle moissonnait dans sa fleur. « Celui qui jeune a quitté la terre marche jeune éternellement dans le royaume de Perséphone, il apparaît aux hommes à venir éternellement jeune, éternellement regrettable. Le vieillard qui