Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 6.djvu/932

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mit fin aux hostilités, sans imposer à aucune des deux parties belligérantes la moindre concession.

Bien que le traité de Paris eût établi quelques-unes des bases principales de l’organisation future de l’Europe, il laissait encore bien des choses à décider : le dernier article portait que, dans le délai de deux mois, toutes les puissances enverraient des plénipotentiaires à Vienne pour prendre, dans un congrès général, les arrangemens qui devaient en compléter les stipulations. Ce délai, qui fut ensuite prolongé, était indispensable aux souverains et aux ministres, entraînés depuis si longtemps dans le tourbillon de la terrible guerre qui venait de finir, pour revoir leur pays, y remettre en activité la machine du gouvernement, et se préparer par de mûres délibérations aux négociations importantes qui allaient s’ouvrir.

Le duc de Wellington avait été nommé ambassadeur à Paris[1]. Ce choix de l’homme de guerre qui avait peut-être porté les plus rudes coups à la France dans la lutte à peine terminée peut sembler singulier aujourd’hui : dans la disposition où étaient les esprits, il n’avait rien que de naturel. Le duc de Wellington était un de nos libérateurs, comme on disait alors. On sait l’accueil fait à ses troupes dans nos départemens du midi. La faveur qu’on leur avait témoignée dans cette partie de la France, elles l’eussent trouvée à Paris même, si on les y eût conduites. On avait eu d’abord la pensée, au moment où elles quittèrent notre territoire pour retourner en Angleterre, de les faire embarquer dans les ports de la Manche afin de leur épargner une longue traversée, et lord Castlereagh, expliquant à lord Liverpool les avantages de cet itinéraire, avait pu, par une plaisanterie dédaigneuse qui exprimait au fond une vérité, mettre au nombre de ces avantages celui de donner aux Parisiens un spectacle qui ferait leurs délices. La modération du duc de Wellington et la scrupuleuse rectitude de son esprit lui donnaient d’ailleurs, pour le poste qu’on venait de lui confier, une aptitude plus positive que celle qui résultait d’un engouement passager de l’esprit français, sujet à tant de variations.

Lord Castlereagh le chargea de traiter sans retard avec le cabinet des Tuileries deux questions auxquelles l’Angleterre prenait le plus vif intérêt : celle des rapports commerciaux a établir entre les deux états, et celle de la suppression de la traite des noirs. Sur le premier point, il dut bientôt reconnaître qu’il n’y avait rien à faire en ce moment ; bien que les opinions personnelles de M. de Talleyrand et de quelques autres ministres français fussent assez favorables aux principes

  1. Les dépêches du duc de Wellington, publiées il y a quelques années, m’ont fourni quelques matériaux pour compléter et éclaircir les informations contenues dans la correspondance de lord Castlereagh par rapport aux années 1814 et 1815.