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la guerre contre la France avaient été la grande préoccupation du pays, une forte opposition. Très faiblement représenté dans cette assemblée, il ne crut pas pouvoir se passer de l’appui de lord Castlereagh, le seul des membres du cabinet qui fût en mesure d’y exercer une véritable influence. Lord Castlereagh, qui eût désiré rester à Vienne, se vit donc obligé de retourner en Angleterre, et le 3 février 1815 le duc de Wellington le remplaça au congrès.

Peu de semaines séparèrent l’époque de son départ de Paris de la catastrophe du 20 mars. Le duc de Wellington avait cru que le gouvernement royal serait renversé par un coup de main intérieur ; ce coup de main fut tenté, en effet par quelques-unes des garnisons du nord de la France dans une pensée qui, aujourd’hui encore, n’est pas bien éclaircie : il fut réprimé, mais en ce moment même Napoléon, par une étrange coïncidence où l’on crut voir alors la preuve d’un concert avec les auteurs de ce mouvement, débarquait à Cannes, suivi de quelques centaines de soldats, et vingt jours après il arrivait à Paris, entraînant après lui toutes les forces que Louis XVIII avait envoyées pour le repousser.

Depuis quelque temps déjà, on commençait à s’inquiéter dans les conseils des puissances des dangers que le séjour de Napoléon sur un point aussi rapproché que l’île d’Elbe pouvait faire courir à la France et surtout à l’Italie. On agitait dans le congrès l’idée de lui assigner une résidence moins menaçante, et comme on a lieu de croire qu’il n’ignorait pas ces délibérations, il est vraisemblable qu’elles ne contribuèrent pas peu à le pousser à cette entreprise audacieuse. Le gouvernement français d’ailleurs, au mépris de ses engagemens formels, s’était abstenu de lui payer la pension stipulée par le traité de Fontainebleau, et l’avait ainsi réduit à une véritable détresse ; les gouvernemens alliés qui avaient signé ce traité, qui par conséquent devaient en garantir l’exécution, n’y avaient pas tenu la main. En laissant ainsi violer la seule condition qui offrit quelques avantages à l’empereur déchu, ils lui avaient fourni plus qu’un prétexte de se considérer comme dégagé de celles qui étaient à sa charge : non pas que je veuille dire que Napoléon fût autorisé par ce manque de foi à livrer aux hasards d’un jeu presque désespéré les destinées du pays qu’il avait gouverné si longtemps ; mais s’il se rendait par là bien coupable envers la France, les puissances s’étaient ôté le droit de lui reprocher d’enfreindre des conventions qu’elles-mêmes n’avaient pas respectées.

La nouvelle de son départ de l’île d’Elbe, transmise à Vienne par une dépêche de lord Burghersh, envoyé britannique à Florence, y produisit, comme on peut croire, une vive impression, bien qu’on ne pût savoir encore quelle direction il avait prise, ni calculer par