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de tous ses efforts. Se plaçant ensuite à un point de vue plus élevé ; le ministre anglais invitait son gouvernement à ne pas accéder sans un mûr examen au vœu manifesté avec tant de vivacité par les cours allemandes pour l’amoindrissement territorial de la France. À son avis, quelque facile qu’il pût être en ce moment d’atteindre un pareil résultat, il serait malaisé d’en assurer la durée. En dépouillant ainsi la France, on rendrait bien plus probable le prompt renouvellement de la guerre, et les états entre lesquels on partagerait ses provinces n’étant pas assez forts pour les défendre à eux seuls, lorsqu’elle essaierait d’en reprendre possession, l’Angleterre, par cela même qu’elle aurait contribué à les leur faire obtenir, se trouverait enchaînée à l’obligation onéreuse de leur prêter son appui pour les défendre. Que si l’on se bornait, comme le proposait la Russie, comme c’était aussi l’avis du duc de Wellington, à occuper temporairement, par mesure de précaution et en attendant l’affermissement de l’autorité royale, un certain nombre de places fortes françaises, on aurait pour soi contre les malintentionnés le roi, le gouvernement, le parti royaliste. Dans le cas au contraire où l’on se déciderait à démembrer le royaume, on forcerait le roi à protester devant son peuple contre les demandes des puissances, on le pousserait à la guerre et peut-être préparerait-on la chute de son trône. La cause du roi, bien conduite, n’était pas désespérée, quoi qu’on en pût dire : il dépendait de l’alliance européenne de la soutenir efficacement ; mais si l’on ne croyait pas possible d’adopter la politique modérée qui pouvait seule conduire à ce résultat, alors il fallait entrer franchement dans la politique contraire et la suivre jusqu’au bout. Comme on devait tenir pour certain que la France ne se soumettrait pas longtemps à des conditions trop dures, il fallait les rendre plus dures encore, pour lui ôter, s’il se pouvait, la force de se révolter. Dans cette hypothèse, les exigences des Prussiens eux-mêmes n’allaient pas assez loin : elles laissaient à la France la grande masse de sa population et de ses ressources en lui infligeant cependant des pertes assez sensibles pour exciter dans l’âme de tout Français, à quelque opinion qu’il appartint, le désir de recourir aux armes à la première occasion. Il n’y avait pas de moyens termes, il fallait opter. « L’objet que nous avons en vue, disait en finissant lord Castlereagh, ce n’est pas de recueillir des trophées, mais d’essayer de ramener le monde à des habitudes pacifiques. Je ne crois pas que ce but puisse se concilier avec la pensée d’altérer matériellement et d’une manière permanente la situation territoriale de la France telle qu’elle a été réglée par la paix de Paris ; je ne crois pas non plus qu’il soit bien clair (pourvu que nous puissions, en lui mettant une camisole de force pendant un certain nombre d’années, la rendre à ses habitudes, et en tenant