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à la France avait été reconnue par toute l’Europe, par exemple des Pays-Bas, ne lui appartiennent pas à meilleur litre que les autres. » Dans cet état de choses, il est probable que si le gouvernement français eût voulu se prêter à une transaction, il eût conservé une portion plus ou moins considérable de ce qu’on hésitait tant à lui reprendre. C’eût été le vœu de la Russie, qui semblait même disposée à protester contre l’emploi de la force de la part des alliés ; mais M. de Talleyrand, qui, en ce moment, n’avait pas encore quitté le ministère, était d’avis qu’il valait mieux, dans l’intérêt du roi, paraître céder à la violence que de consentir au plus léger sacrifice ; il le déclara formellement au duc de Wellington. Suivant toute apparence, prévoyant la nécessité où il allait se trouver lui-même d’abandonner le pouvoir, il voulut se donner l’honneur d’une résistance opiniâtre, dont les conséquences et les embarras retomberaient sur ses successeurs. Déjà les Prussiens avaient mis la main sur les tableaux appartenant soit à leurs anciennes possessions, soit même aux provinces que leur avait adjugées le traité de Vienne ; ils avaient aidé les gouvernemens de la Hesse, du Mecklenbourg et d’autres petits gouvernemens germaniques à en faire autant pour leur compte. Lord Castlereagh jugea qu’il n’était plus possible au duc de Wellington, qui commandait l’armée du roi des Pays-Bas, de refuser à ce prince le concours qu’il réclamait pour le même but. Le gouvernement autrichien ne se décida qu’après tous les autres à intervenir, tant pour les provinces d’Italie que pour le saint père et les petits princes italiens. L’impulsion une fois donnée ne devait plus s’arrêter que lorsqu’il ne resterait rien au Louvre des trésors qu’on y avait amassés depuis vingt ans. C’est ce qu’avait prévu, ce qu’avait désiré lord Liverpool, qui craignait qu’une mesure partielle, en paraissant reconnaître à la France une sorte de droit sur les objets d’art qu’elle s’était appropriés, ne lui ménageât des prétextes pour s’en ressaisir un jour. Dans son opinion, on ne pouvait frapper d’une réprobation trop sévère les procédés par lesquels elle s’en était emparée, et il y aurait eu une impardonnable faiblesse à se laisser arrêter par la crainte de blesser les susceptibilités des Français. « Il est sans doute juste, disait-il, d’avoir égard à leurs sentimens, d’en tenir compte dans une mesure raisonnable en ce qui touche aux questions de l’intégrité du territoire, du démantèlement des forteresses et même de l’occupation temporaire, parce que, sur tous ces points, les sentimens dont il s’agit sont naturels, louables, et doivent être consultés autant que le permet la sûreté des états voisins ; mais j’avoue que je ne suis aucunement touché de ceux que leur inspirent les produits du pillage auquel ils ont livré d’autres pays. Ce sont des sentimens de vanité, et de la pire espèce, et en les ménageant, nous ne ferions