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de Provence chargea de lui offrir le don gratuit de 450,000 livres qu’elle venait de voter.


III

Il y avait, à la vérité, des motifs de plusieurs sortes pour que l’assemblée des communautés fût heureuse de faire sa paix avec le gouvernement. D’abord, outre le lieutenant-général, l’intendant, l’archevêque d’Aix, l’évêque de Marseille, tous ceux qui faisaient partie de l’assemblée étaient intéressés à ce qu’elle ne fût pas supprimée, car, il faut bien le dire, elle coûtait fort cher à la Provence, et les frais qu’elle occasionnait profitaient plus ou moins à chacun de ses membres. Sous Louis XIII, un édit relatif aux états du Languedoc avait ordonné qu’ils ne dureraient que quinze jours, et n’entraîneraient d’autre dépense qu’une somme de 50,000 livres, indépendamment des frais de voyage et de séjour des députés, lesquels frais, fixés à raison de 6 livres par jour, devaient s’élever à 11,160 livres. Lorsque la session se prolongeait, les députés obtenaient ce qu’on appelait des montres de grâce, proportionnées à la durée de la prolongation. D’un autre côté, les états se montraient d’ordinaire assez généreux pour les gens du roi. Au mois de juillet 1665, le premier président d’Oppède, en faveur duquel l’assemblée avait, on l’a vu, voté une gratification de 15,000 livres, « pour les soins qu’il avait pris des affaires du pays, » écrivant à Colbert pour lui demander la permission de l’accepter, ajoutait : « Je ne dois pas vous déguiser qu’il est encore sans exemple, depuis dix années qu’il y a que je préside par ordre du roy aux assemblées de la province, que j’aye pris un seul denier, et j’ose mesme dire que ceux qui avoient esté avant moy n’avoient pas eu le mesme scrupulle, tant à l’esgard de sa majesté qu’à celluy de la province. »

À peine arrivé, le comte de Grignan obtint, « pour l’entretien de ses gardes, » une gratification de 5,000 livres qui lui fut maintenue pendant plus de quarante ans. Cette gratification donna même lieu à des observations peu gracieuses de la part de l’évêque de Marseille, M. de Forbin, avec lequel le comte de Grignan s’accordait assez mal, nonobstant les efforts et la diplomatie de Mme de Sévigné pour les mettre en bonnes relations. « Pour la gratification de 5,000 livres que M. de Grignan prétend, sous prétexte de ses gardes, écrivait à Colbert M. de Forbin, y ayant là dessus des arrêts du conseil qui deffendent absolument de délibérer sur de pareilles gratifications, nostre conscience et nostre honneur ne nous permettent pas (l’évêque de Toulon faisait cause commune avec lui) de prendre un autre parti que celui de l’obéissance aux ordres de sa majesté. » Mais le comte de