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let 1841. Les bases nouvelles, telles qu’elles ont été acceptes par les trois cabinets, restent ce qu’elles étaient : substitution du protectorat européen au protectorat russe dans les principautés, liberté des bouches du Danube, révision du traité de 1841 dans l’intérêt de l’équilibre européen, cessation du protectorat religieux de la Russie et intervention collective de toutes les puissances en faveur des populations chrétiennes de l’empire ottoman. Que faut-il donc conclure de ces faits, qui s’éclairent et s’expliquent les uns par les autres ? C’est que diplomatiquement et militairement, du moins jusqu’ici en ce qui touche la défense des principautés, l’Autriche s’est placée à côté de l’Angleterre et de la France, c’est qu’elle a cru le moment venu de rejeter le rôle d’une médiation inutile pour se ranger à une action plus énergique et plus franche. Au point de vue diplomatique, l’échange de notes du 8 août est l’équivalent de l’occupation de la Valachie au point de vue militaire. Les deux faits ont la même signification et la même gravité.

Il y a dans les derniers actes de l’Autriche quelque chose qui en révèle encore plus le sens, c’est que pour la première fois elle a suivi ses inspirations propres sans attendre le concours de la Prusse. Telle est en effet la situation que la Prusse s’est créée par les incertitudes de sa politique. Elle a essayé d’abord, à ce qu’il semble, de présenter à l’Autriche l’évacuation des principautés par les Russes comme une satisfaction suffisante qui désintéressait la politique allemande. La Prusse, il est vrai, a signé le protocole du 9 avril par lequel les quatre puissances s’engagent à garantir l’Europe contre le retour de prétentions semblables à celles qui sont venues troubler la paix ; elle est liée avec l’Autriche par un traité particulier fondé sur l’intérêt allemand. Il y a mieux, dans une note signée en commun avec l’Autriche, elle déclarait d’une manière spéciale que la position de la Russie sur le Danube, que les obstacles mis à la navigation étaient une atteinte aux intérêts moraux et matériels, politiques et commerciaux de l’Allemagne. La Prusse cependant a paru croire que les conditions de paix récemment sanctionnées par l’Autriche ne rentraient pas dans les prévisions du traité du 20 avril, et par le fait elle n’a point pris part à l’échange de notes du 8 août. On dit même que pendant ce temps elle faisait des armemens à Dantzig, ce qui ne laissait point d’être bizarre au moment où elle semblait se séparer de la France, de l’Angleterre et de l’Autriche, et où elle ne pouvait certes être menacée par la Russie. À bout de contentions d’esprit, le cabinet de Berlin n’en a pas moins fini par appuyer à Saint-Pétersbourg les bases du 8 août. Il est arrivé à y voir des principes utiles, d’une application désirable, sauf à ne s’engager à rien. C’est là le dernier mot de la politique prussienne depuis quelque temps, et c’est ainsi que d’elle-même elle s’est réduite à un isolement stérile non-seulement en Europe, mais en Allemagne, où l’Autriche a pris la direction de cette grande question, traînant aujourd’hui le cabinet de Berlin à sa suite. La Prusse se croit appelée par la Providence à rétablir la paix, comme le disait récemment avec un peu d’ironie une publication émanée d’une source autrichienne ; elle se croit une médiatrice. Seulement elle a pris le meilleur moyen pour que sa médiation ne soit ni efficace ni même acceptée. Le cabinet de Saint-Pétersbourg trouve certainement son avantage dans ces tergiversations ; c’est sa dernière ressource. Certain de trouver à Vienne une