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seul village, Bouffarick, a vendu pour plus de 400,000 fr. de tabac : il n’y a peut-être pas en FranCE un seul centre agricole à qui sa production eût donné un tel revenu, et encore pour une seule culture. Enfin, quand le tabac n’a plus suffi à alimenter les forces agrandies de la colonisation, le colon est venu, le coton dont on attend des merveilles qui peut-être se réaliseront. Et quand le coton ne suffira plus, vous verrez poindre un autre élément de prospérité, — les soies[1]. Quant à la production de l’huile, elle peut devenir illimitée[2], l’olivier étant presque la seule essence d’arbre qui ait résisté en Afrique à toutes les dévastations.

La France est tributaire de l’étranger pour au moins 200 millions de colon, de soie, d’huile, de plantes tinctoriales. L’Algérie peut-elle racheter la France de cette redevance d’importation ? Dans quel espace de temps et à quelles conditions ? C’est ce que nous allons examiner.

Nous avons parlé de la merveilleuse fécondité de certaines terres d’Afrique. Quelques faits en donneront une idée. En France, lorsqu’un hectare rapporte 500 fr., c’est un miracle ; en Algérie, — lisez le rapport ministériel, — L’hectare, planté de nopal, aménagé pour trois ans, produit 12,000 fr., soit 4,000 fr. par

  1. La culture du mûrier se classe déjà, pour l’importance des produits, immédiatement après le tabac. Elle a donné en 1853, dans la province d’Alger (nous n’avons de chiffres officiels que pour cette province), 14,000 kilogrammes de soie, soit une augmentation de 5,000 kilogrammes sur l’année précédente et de près de 9,000 kilogrammes sur l’année 1852. Cette augmentation, considérable par rapport au point de départ, puisqu’elle triple les produits dans l’espace de deux ans, provient, par égale part, de la plus-value obtenue d’une année à l’autre sur les miniers précédemment récoltés, et de la première récolte faite sur les nouveaux sujets. Si les plantations de mûrier suivent la marche ascendante des trois dernières années, ou peut déjà prévoir l’époque prochaine où la soie comptera au premier rang des productions algériennes, quel que soit le développement des autres cultures industrielles, même du coton.
  2. Il y a deux ans, un Arabe porte à TIemcen une charge, de bois à brûler : c’étaient des rondins d’oliviers. Le fonctionnaire à qui ce bois était destiné lisait précisément alors un auteur arabe du XVe siècle, qui prétend que les pieux d’oliviers fichés en terre reverdissent et prennent racine, et qui recommande ce mode de plantation comme le moyen le plus rapide de propager l’espèce. Sur la foi de l’auteur arabe, le fonctionnaire fit enfoncer en terre les bûches qu’on venait de lui apporter : six mois après, ces bûches étaient devenues des arbres. Nous avons vu de nos propres yeux, aux deux côtés de la grande allée du jardin botanique de Tlemcen, ces oliviers, qui ont déjà une frondaison de deux mètres et le développement de tronc qu’auraient des arbres à leur quinzième année. Il est probable que ce moyen de reproduction et de propagation de l’olivier réussirait dans le reste de l’Afrique comme il a réussi à TIemcen. Cela donnerait au moins une avance de dix ans pour la plus grande production de l’huile africaine. Ou reste, l’olivier vient à l’état sauvage dans presque toutes les localités en Algérie, et avec une force de végétation qui n’a peut-être d’analogue dans aucun pays. Il n’est cultivé, c’est-à-dire greffé, qu’en Kabylie et dans les environs des villes et dans les oasis du sud. En 1853, TIemcen a vendu à lui seul pour plus de 1 million d’huile.