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semble être à lui seul une promesse d’abondance. L’air y est si transparent et si limpide, que tous les objets, même les plus lointains, se mettent pour ainsi dire à portée de la vue. Ainsi des hauteurs du Sahel, qui environnent Alger, on voit comme si on le touchait de l’œil Blidah, mollement étendu sur une pente de l’Atlas, de l’autre côté de la plaine, à douze lieues d’Alger. Depuis les montagnes des Issers, à l’est, jusqu’aux montagnes des Béni-Menacer, qui la bornent à l’ouest, la Mitidja s’étend entre la chaîne du Petit-Atlas et la mer, sur trente lieues de long et quatre de large. Abritée des vents du nord-ouest par les hauteurs boisées du Sahel et par les montagnes de Cherchell, elle est abritée des vents du sud, du terrible sirocco, par la chaîne non interrompue de l’Atlas. À la hauteur d’Alger, qui partage par moitié la longueur de la plaine, le littoral s’affaisse jusqu’au cap Malifoux, à l’est, comme pour laisser pénétrer les brises rafraîchissantes de la mer au sein de cette belle plaine de partout abritée. De nombreux courans la traversent en tous sens, dont les eaux se perdent aujourd’hui sans profit, et qui, emmagasinées, comme nous l’avons dit, sur les bailleurs d’où elles s’épanchent, pourraient arroser la plus grande partie de la plaine. La Mitidja, en y comprenant les pentes de l’Atlas, a près de 200,000 hectares de superficie ; elle nourrissait, dit-on, autrefois 400,000 habitans, et les plus vieux Arabes assurent que leurs pères ont entendu la prière du soir annoncée par les muezzins du haut de dix-neuf minarets, ce qui veut dire que la plaine était occupée, il y a moins d’un siècle, par dix-neuf villes plus ou moins importantes. Certainement la Mitidja pourrait nourrir 100,000 habitans, mais il n’est pas probable qu’elle ait vu dans aucun temps une pareille agglomération d’individus. Une telle masse de population vivant dans un espace si restreint supposerait de tels travaux de perfectionnement agricole, qu’il en resterait des traces apparentes sur le sol. Or on ne trouve au sein de la Mitidja aucun vestige d’une population florissante. C’est à peine s’il reste par-ci par-là quelques grandes haies de cactus, marquant l’ancienne limite des tribus sédentaires. La majeure partie de la Mitidja est encore inculte aujourd’hui. Malgré cela, c’est un bel aspect que celui de cette longue plaine, si bien dessinée au regard par les hauteurs qui la circonscrivent de tous côtés. Les broussailles toujours vertes de l’olivier, du lentisque et du myrte simulent fort bien les cultures absentes, et la lumière vraiment magique du soleil donne à tous les objets qu’elle éclaire une telle élasticité de perspective, que les quelques fermes éparses au sein de la plaine prennent un air de châteaux.

Il y a dans la Mitidja trois couches de colonisation collective. Ce sont d’abord les villages fondés jusqu’en 1847, — puis les colonies agricoles de 1848, — enfin les villages créés depuis 1850.

À la première catégorie appartiennent le Fondouck, Bouffarick et Souma, son annexe ; Beni-Méred, la banlieue agricole de Blidah, composée des villages de Joinville, Montpensier et Dalmatie ; puis, plus à l’ouest, la Chiffa et Mouzaia-Ville. Tous ces villages ont été établis, excepté Bouffarick, situé au centre de la plaine, sur les déclivités de l’Atlas, c’est-à-dire sur des terrains de formation tertiaire, moins fertiles que les alluvions de la Mitidja, mais plus facilement arrosables. C’est surtout à l’irrigation et aux plantations que Bouffarick doit la prospérité exceptionnelle dont il jouit et la salubrité qu’il