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s’est emparée de la plus grande partie de la Pologne et a enlevé à la Suède ses provinces orientales ; dans ce siècle, elle est arrivée au démembrement de la Turquie et de la Perse, et dans la Circassie elle soutient contre le peuple une guerre nationale ; de la Sibérie, elle s’est avancée en Amérique, et a occupé une vaste étendue de pays sur la côte nord-ouest, mais sans aucun pouvoir réel. Une circonstance arrête le développement de la puissance navale de la Russie, c’est qu’elle n’a pas de sortie que sur des mers sujettes à geler ou fermées par des terres, comme la Baltique et la Mer-Noire… C’est la Russie européenne qui fait la force de l’empire ; là l’élément slave domine. La Grande-Russie comprend vingt-huit millions d’habitans, et la Russie-Blanche douze millions ; les Polonais et les Lithuaniens forment quatre millions, sans compter la Finlande et quelques autres races. La race dominante, celle de la Grande-Russie, n’est guère aimée par les autres parties de la population, et notamment par les Polonais et les Lithuaniens… Plusieurs des rivières qui coulent au nord et au sud entrecroisent leurs sources et sont unies par des canaux ; une vaste voie de communications intérieures est ainsi ouverte et rappelle la ligne commerciale des fleuves des États-Unis, mais avec la navigation à vapeur sur une bien moindre échelle. »

La force de l’empire russe résidant surtout, comme le remarque M. Hill, dans la Grande-Russie et dans la Russie-Blanche, il s’ensuit que les provinces moins favorisées, — la Sibérie par exemple, — ont dans cette infériorité même un titre particulier à la sollicitude du gouvernement impérial. Malheureusement ce grand empire ne paraît pas, comme les États-Unis, savoir coloniser à l’intérieur et conquérir par une augmentation utile de population, sans sortir de son territoire, plus de millions de sujets que n’en peuvent donner les empiétemens de territoire sur les contrées mal peuplées de l’Asie centrale. Quelques petites localités de la Sibérie ont été pourvues d’habitans à grands frais ; mais passé la ville d’Irkoutsk, capitale de la Sibérie orientale avec une population de dix-huit mille âmes, et celle d’Iakoutsk, bien plus au nord, sur l’immense fleuve de la Lena, avec cinq mille âmes, les Russes sont à l’orient du continent asiatique à peu près aussi rares que les Anglais et les Français. Dix mille exilés environ, la plupart malfaiteurs et malfaisans, sont envoyés annuellement en Sibérie, mais ils n’ont encore peuplé que de rares villages dans un pays d’ailleurs très rebelle à la culture, et ils n’ont pas la permission d’exercer des métiers ou de faire le commerce. Les exilés politiques sont traités avec quelques égards. Les Samoïedes et les Koriacks sur la Mer-Glaciale, les Tongouses, les Iakoutes et les Tchoutchis, joints à quelques Tartares, composent des populations nomades vivant de quelques bestiaux, de chasse et de