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bien encore d’où viennent les courans d’air qui les amènent sous forme de neige et rarement de pluie, à moins que l’on ne soit dans la courte saison chaude de ce pays. Tout le monde s’accorde à exclure les vents du sud, venant de l’Asie centrale, les vents d’ouest, arrêtés par les contreforts de l’Oural, et enfin les vents d’est, qui seraient en opposition avec le courant général, qui dans ces latitudes marche en sens contraire, c’est-à-dire venant de l’ouest et allant vers l’est. En admettant le courant chaud de M. Duperrey, qui court dans la Mer-Glaciale tout le long et au nord de la Sibérie, ce seraient les vents polaires remontant vers le sud qui déposeraient l’eau de l’Obi, du Ienisseï, de la Lena, de la Kolyma. M. Hill établit très bien que presque toujours le vent du nord en Sibérie élève la température, que la pureté du ciel et son état de calme ordinaire font descendre à des degrés désastreux. Ce problème de l’approvisionnement d’eau des grandes rivières sibériennes m’a longtemps occupé sans succès. En voici, je pense, la solution : c’est le degré très faible d’évaporation que subit la neige, qui tombe pendant une saison froide de huit à neuf mois environ, le dégel n’arrivant pour la Lena, par exemple, que vers le commencement de mai. Toute l’eau qui tombe se conserve donc presque entièrement sans déperdition, tandis que dans nos climats presque toute l’eau tombée se réévapore et retourne dans l’atmosphère par un jeu continuel de précipitation et de réabsorption. De plus, cette eau tombée ne sert à entretenir les courans immenses des rivières de Sibérie que dans les premiers mois de la fonte des neiges, où le sol dégèle seulement à une médiocre profondeur. D’épouvantables inondations et la formation d’immenses fondrières signalent la saison de la fonte des neiges. À l’automne, plusieurs grands cours d’eau tarissent, et tous éprouvent une notable diminution. On peut dire qu’en Sibérie le régime torrentiel domine. C’est ce qu’ont bien constaté les rares navigateurs russes qui ont exploré par ordre de leur gouvernement la mer glaciale de Sibérie. La cause et l’effet sont donc ici parfaitement en rapport : — Peu de perte par l’évaporation et emploi de presque toute la neige tombée pour entretenir, seulement pendant quelques mois, les grandes rivières, lesquelles, vu le peu de pente qu’elles ont en arrivant dans le voisinage de la mer, débitent ou dépensent très peu d’eau. Elles paraissent donc d’une étendue immense, comme le Rhin et la Meuse dans les Pays-Bas. Tout le monde sait que si on donnait à la Saône la vitesse du Rhône, elle se réduirait presque à un ruisseau, et la Seine entière à Paris ne suffirait pas à la dépense d’un jet d’eau de trois cents pieds de hauteur jaillissant par une ouverture d’un pied de diamètre, d’après les calculs infaillibles de Mariotte, si légèrement critiqués par Voltaire, qui s’extasie en plusieurs endroits sur la vanité de la science, qui