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recherche et pour la conservation de ces débris. Or aucune somme destinée à des prix académiques ne pourrait être mieux employée pour la science. L’organisation intérieure de ces animaux nous dévoilerait peut-être la nature de l’atmosphère où ils vivaient, de même que les plantes et les arbustes trouvés dans leur estomac ont appris quelque chose de la flore de ces temps reculés, fort différente du reste de ce qu’elle est maintenant dans ces contrées. Le voyage de M. Démidof nous eût sans doute appris tout cela, et son activité, son amour de la science nous permettent encore d’espérer qu’il réalisera en temps utile ses projets d’exploration en Sibérie. L’exemple de cette région lointaine nous a servi à prouver combien, malgré de récentes recherches, les climats du nord soulèvent encore de questions imparfaitement étudiées. C’est à résoudre ces questions, à les éclairer du moins, que l’activité des voyageurs scientifiques doit s’employer de plus en plus.

La conclusion générale à laquelle nous sommes conduit, c’est que l’échange continuel de chaleur qui se fait entre les régions équatoriales et les régions polaires améliore grandement les climats du nord. Cet échange est produit non-seulement par les courans chauds de la mer qui remontent vers le nord tant dans l’Océan-Atlantique que dans l’Océan-Pacifique, mais aussi par la direction des vents généraux, qui reportent sur les continens la chaleur et l’humidité provenant des régions plus favorisées. Le secret du climat de la Sibérie est tout entier dans ce fait : qu’elle ne participe pas aux échanges établis par la nature pour tempérer le froid du nord et la chaleur du midi. Entre la zone torride et la zone glaciale, il y a un véritable commerce bien autrement efficace que les marchés des peuples. Or, dans ce commerce de chaleur et de froid, d’arrosement et de fertilité, la Sibérie ne prend aucune part, et l’on peut en conclure que si toutes les régions du globe étaient isolées, comme l’est le nord de l’Asie, il y en aurait une grande partie incapable de nourrir les nombreuses populations modernes à cause des alternatives de chaleur excessive et de froid intolérable qui seraient la suite de cet isolement.


BABINET, de l’Institut.