Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/158

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Dans la quarantième année du règne de sa majesté, ses états comprenaient cent quinze sircars (provinces), divisés en deux mille sept cent trente-sept kasbas (villes), dont le revenu, réglé pour dix ans, s’élevait à une rente (impôt territorial) annuelle de 3 arribs 62 krores 97 laks 55,245 dams[1].

« L’empire fut alors partagé en douze grandes divisions, et chacune de ces grandes divisions confiée au gouvernement d’un soubadàr ou vice-roi. Le souverain du monde (l’empereur) fit distribuer à cette occasion 12 laks de bétels[2]. Les noms des soubahs ou vice-royautés étaient : Allahàbâd, Agrâ, Aoudh, Adjmir, Ahmedabâd, Băhâr, Bengâl, Dehly, Kaboul, Lahore, Moultân, Malwa. Quand sa majesté conquit le Bérar, Khândeish et Ahmâdnagăr, on en forma trois soubahs, ce qui porta le nombre des soubahs à quinze[3]. »


Le vice-roi portait le titre de sipâh sâlâr (correspondant à celui de général en chef)[4]. Il correspondait directement avec l’empereur et réunissait les pouvoirs civils et militaires. Le plus haut fonc- tionnaire militaire après lui était le faodjdâr, commandant en chef des milices et des troupes régulières dans chaque province, chargé du maintien de la police territoriale, c’est-à-dire d’assurer la rentrée des contributions foncières. La justice était rendue, au nom du souverain, par une cour composée du mîr ad’l (grand-juge) et du quazy, assistés au besoin par les ministres des différentes religions, suivant la croyance des parties, dans les cas litigieux. Le receveur des contributions, amil gouzzar, était le principal officier des revenus publics dans les provinces : il avait sous ses ordres les tepaktchis ou percepteurs, et les trésoriers (dont Gladwin ne donne pas le titre en persan). Dans les grandes villes, la police était confiée à un fonctionnaire d’un rang élevé, connu encore aujourd’hui sous le nom de katwàl ou koulwàl. Les instructions très détaillées données à ce magistrat le placent, aussi exactement que possible, dans les conditions d’importance politique, d’utilité et d’influence locale, qui distinguent chez nous le préfet de police. Ces instructions sont en général irréprochables au point de vue de l’humanité et de la justice. Nous y avons remarqué la consécration d’un principe qui devait avoir été souvent méconnu avant le règne d’Akbăr, et qui l’est de nos jours encore dans bien des pays civilisés, — l’inviolabilité du domicile,

  1. Le dam était la quarantième partie de la roupie. Le lak vaut 100,000 roupies, le krore 100 laks, l’arrib 100 krores. On peut évaluer la roupie de cette époque à 2 fr. 50 cent. De notre monnaie.
  2. Betels ou pânn (prononcez pânes), feuilles du piper betel, préparées avec des aromates et de la chaux, et qu’on mâche comme stomachiques. Le bétel laisse un goût agréable et un parfum particulier dans le bouche.
  3. Après la conquête de Bédjapour et de Golconde, le nombre des soubahs fut porté à dix-huit ou vingt.
  4. C’est le titre indiqué dans l’Ayin-Akbaty  ; la désignation de soubadâr, employée par Gladwin dans sa traduction, est postérieure à Akbăr, selon Elphinstone.