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L’Akhar-Nameh ne dit rien ou presque rien de la religion introduite dans l’Inde par l’empereur Akbăr, Abou’l-Fazl s’étant réservé de traiter ce sujet dans l’Ayîn-Akbary d’une manière générale, sauf à y revenir (comme il le dit lui-même) dans un écrit spécial que sa mort prématurée ne lui permit pas de mettre au jour. Nous n’avons même à cet égard, dans l’Ayîn-Akbary, que des notions fort incomplètes ; mais le Dabistân et le Muntakhab al Tawârikh de Sheikh-Abdoul Kâdăr Badaouni, cités par Kennedy[1] dans sa notice sur les institutions religieuses d’Akbăr, nous permettent de porter un jugement assez exact sur les convictions particulières qui déterminèrent Akbăr à s’arrêter aux nouveaux principes de croyances qu’il proclama et aux formes d’adoration qu’il mit en usage. Parmi les conférences religieuses supposées que nous a transmises le Dabistân, il en est une assez étendue qui se passe entre un philosophe, un brahmane, un musulman, un parsi, un juif et un chrétien, conférence à laquelle Akbăr lui-même est censé prendre part. Le philosophe y résume la discussion par une exposition générale de la nouvelle doctrine et conclut en ces mots : « Ainsi, pour tout homme sage, il doit être évident que la seule voie de salut est celle que nous a tracée l’illustre Akbăr ; celui qui veut la suivre doit s’abstenir de tout acte de luxure et de sensualité, de détruire tout ce qui a vie, d’attenter à la propriété d’autrui, de l’adultère, du mensonge, de la calomnie, de la violence, de l’injustice et de propos méprisans. Les moyens d’obtenir la félicité éternelle sont compris dans l’exercice des vertus suivantes : libéralité, indulgence et tolérance ; chasteté, dévotion, tempérance, courage, douceur, politesse ; ferme résolution de plaire à Dieu plutôt qu’aux hommes, et enfin résignation à la volonté du Créateur. »

Akbăr n’admettait l’authenticité des missions divines ni dans la personne d’un Dieu incarné, ni dans celle d’un homme inspiré ; il est donc probable que l’auteur du Dabistân, en accordant à Akbăr les noms d’apôtre et de messager ou envoyé de Dieu, n’a voulu que se conformer au langage adopté à l’égard de Mahomet. Il est au moins certain qu’Akbăr ne prit aucun de ces titres ; mais, comme il était nécessaire de distinguer la foi nouvelle et son fondateur par des désignations spéciales, il se fit appeler Khalî-Oullah ou vice-régent de Dieu, et voulut que la religion qu’il prétendait enseigner fût désignée par l’épithète ilâhi (divine), ou plus exactement «de Dieu. » Il est à remarquer que, comme preuve décisive ou criterium de sa croyance, Akbăr alléguait qu’elle était en tout d’accord avec la

  1. Transactions of the Literary Society of Bombay, yol. II, p. 242 et suiv. Londres, 1820, in-4o.