Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/170

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

célèbrent en l’honneur du Tout-Puissant, et il faut plaindre les intelligences obscurcies par l’ignorance au point de ne pas en comprendre la signification. Puisque c’est un devoir indispensable pour tous de proportionner la reconnaissance au bienfait, ne devons-nous pas des hommages sans un à ce dispensateur des biens d’ici-bas, à cette fontaine éternelle de lumière ? Et c’est surtout aux princes de la terre qu’il convient de s’incliner devant ce souverain des deux, symbole de la divine influence qui les protège ! Sa majesté professe une grande vénération pour le feu en général, et pour la lumière artificielle, qu’on doit regarder comme une émanation de la lumière naturelle[1]. »


Conformément à ces principes, Akbăr se prosternait devant le soleil ou devant une image de cet astre, et recommandait à ses disciples la pratique constante de cette adoration mystérieuse.

La formule d’initiation au culte ilâhi nous a été conservée dans L’Ayin-Akbăry, et il ne sera pas sans intérêt de rapporter les termes exprès d*Abou’l-Fazl à ce sujet :


« L’empereur, dans sa sagesse, se prête difficilement au désir de ceux qui recherchent les bienfaits de l’initiation. — Comment pourrais-je enseigner, dit sa majesté, quand j’ai besoin moi-même d’être instruit ? — Cependant, si le pétitionnaire donne des marques évidentes de sa sincérité, et s’il insiste avec importunité, il est admis un dimanche au moment où le soleil va passer au méridien. Le récipiendaire se prosterne devant l’empereur, la tête nue et le turban sur la paume de ses mains ; il prononce alors la formule suivante : « Je rejette loin de moi la présomption et l’égoïsme, causes de tant de maux, et viens ici en suppliant, faisant vœu de consacrer le reste de ma vie dans ce monde à mériter l’immortalité. » — Sa majesté étend alors la main vers le récipiendaire, l’aide à se relever, replace le turban sur sa tête, et dit : « Mes prières sont adressées au ciel en votre faveur, afin que vos aspirations soient exaucées, et que vous obteniez la vie réelle après la vie apparente d’ici-bas. » — Il lui donne ensuite le shăst[2], sur lequel on a gravé l’un des grands noms de Dieu et les mots Allâh Akbăr, en sorte qu’il puisse comprendre le sens du vers suivant :

Le vrai shăst et l’œil pur ne manquent point le but.

  1. Abou’l-Fazl a consacré un chapitre de l’Ayin-Akhăry à la description de l’éclairage du palais (vol. Ier, p. 51-58). En voici un extrait : « À midi, quand le soleil entre dans le 12e degré du Bélier, on expose aux rayons du soleil une pierre particulière (une espèce d’onyx (Corindon, - adamentinus corindum) comme dans l’Hindoustan sous le nom de souredj kerăntt ; on met en contact avec cette pierre du coton, qui ne tarde pas à prendre feu« et ce feu céleste est confié à la garde de certaines personnes. Il sert exclusivement à l’éclairage du palais et pour la cuisine impériale, etc., et quand l’année expire, on se procure de nouveau du feu céleste par les mêmes moyens. » Le Dabistân explique fort en détail comment « le sage nawab et sheikh Abou’l-Fazl reçut ce feu sacré pour la première fois (par ordre de l’empereur) des mains d’Ardashir, disciple de Zoroastre, etc. » (vol. III. P. 95).
  2. Le mot skăst (prononcez chăstt) désigne l’étui en ivoire que l’archer porte au pouce, et signifie en même temps l’action de viser le but.