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merveilles de sa force matérielle, les séductions de son commerce, de son luxe, de ses arts, de ses sciences, de ses prédications patientes, n’a pas fait, à cet égard, la moindre impression. Akbăr, en refusant d’imiter ses prédécesseurs dans leur intolérance sanguinaire, avait donc montré sa supériorité sur l’esprit de son siècle, et donné à son arrière-petit-fils, Aurângzèbe, un exemple dont ce musulman fanatique n’a pas su profiter, ce qui a amené la chute de l’empire moghol.

Ce grand fait politique et religieux suffit pour démontrer combien sont fausses les idées, si longtemps accréditées en Europe, de la faiblesse constitutionnelle des races hindoues. L’opinion qu’on s’était formée de l’infériorité intellectuelle et de la dégradation morale des Hindous ne repose pas sur de meilleurs fondemens. — Le témoignage des hommes les plus éminens et les plus dignes de confiance par leur expérience et la libéralité de leurs idées, Warren Hastings, sir John Malcolm, etc., ne laisse aucun doute à cet égard. En 1813 notamment, sir John Malcolm, qui depuis a commandé en chef dans l’Inde et a été gouverneur de Bombay, s’exprimait ainsi devant la chambre des communes :


«….. Du moment que vous entrez dans le Băhâr ou plutôt dans le district de Bănarès, aussi bien que dans les territoires du năwâb d’Aoude, dans le Douâb et dans tous les pays soumis au pouvoir de la compagnie de ce côté, vous trouvez dans les Hindous une race d’hommes non moins distingués, généralement parlant, par la richesse de leur taille, plutôt supérieure qu’inférieure à celle des Européens, et la vigueur de leur constitution (développée chez presque tous par l’habitude des exercices gymnastiques) que par les plus nobles qualités de l’âme. je parle plus particulièrement des Râdjpouts[1], qui forment une portion considérable de la population. Ils sont braves,

  1. Un spirituel écrivain qui nous a fait l’honneur de consulter nos études sur l’Inde anglaise, en traçant le tableau qu’il a publié sur ce sujet pendant notre longue absence d’Europe, a méconnu complètement l’importance de l’élément ràdjpout dans l’armée anglo-hindoue. Les autorités dont nous nous sommes fait un devoir d’appuyer les résultats de nos propres recherches auraient triomphé sans doute de l’incrédulité de M. de Warren, auteur de l’Inde anglaise en 1843 et 1844. Il ne sera pas inutile d’insister plus particulièrement, puisque l’occasion s’en présente, sur le témoignage de sir John Malcolm. Cet officier-général, dans un ouvrage publié vingt ans après l’enquête parlementaire de 1813 (Government of India, London 1833, in 8o), a développé son opinion sur le soldat hindou, et sur les Râdjpouts en particulier, dans des termes qui ne sauraient laisser aucun doute sur les éminentes qualités qui distinguent cette race, au point de vue militaire, même européen. On trouve dans les mémoires d’un autre officier général, dont le témoignage nous a été conservé par le journal militaire publié à Calcutta sous le titre de East-Indian united service Journal, etc. (numéro de juillet 1834), une appréciation tout à fait semblable du caractère militaire des Râdjpouts, et nous y lisons que ce vétéran de l’armée du Bengale estimait à plus d’un tiers, peut-être à moitié, il y a quarante ans, la proportion des Râdjpouts (ou des brahmanes enrôlés comme Râdjpouts) dans l’infanterie de cette armée.