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était habile et expert non-seulement dans la guerre et la politique, mais dans tous les arts mécaniques. Il se plaisait surtout à la confection des machines de guerre, et il avait, dans l’enceinte même de son palais, des ateliers destinés à ce travail. Il était naturellement d’un caractère mélancolique et sujet à la maladie épileptique. Aussi lui fallait-il avoir recours, pour se distraire et se reposer l’esprit, à divers jeux et amusemens ; de là le plaisir qu’il prenait à des combats d’éléphans, de chameaux, de buffles, de coqs, de béliers, etc. Une de ses distractions favorites était de voir des éléphans et des chameaux dressés à se balancer en mesure. Les combats des gladiateurs et les exercices de lutteurs (pahelwâns) étaient aussi de son goût ; mais ce qui semblait digne d’admiration aux musulmans, c’est que, tout en prenant part à-ces amusemens, il ne laissait pas d’expédier les affaires les plus sérieuses.

Avant de terminer cette esquisse d’une époque, d’un règne et d’un homme si remarquables à tous égards, il nous reste à rendre compte en peu de mots de l’impression que nous a laissée l’étude de cette existence exceptionnelle.

En nous reportant à l’époque où vivait Akbăr, en nous replaçant par la pensée sur la scène où sa mission s’est accomplie, et où nous avons humblement marché nous-même au milieu des grands souvenirs qu’il a laissés, nous sommes à la fois surpris et touché de la supériorité intellectuelle et morale qui caractérise ce mortel privilégié. Nous en sommes surpris, parce que la race à laquelle il appartenait avait pu lui léguer sans doute l’intelligence et le courage, avec l’instinct militaire et l’esprit de conquête, mais non le génie de l’organisation sur la plus vaste échelle et l’esprit conservateur. Dans l’histoire de ses prédécesseurs, il rencontrait les habitudes cruelles du despotisme et le fanatisme religieux, mais non la tolérance et l’humanité ; le penchant aux voluptés grossières[1], mais non la frugalité et la pureté des mœurs. Et cependant Akbăr a fondé sur des bases durables l’empire le plus puissant qui fût alors en Asie, il a été tolérant, humain, tempérant, frugal. — Nous sommes touché, avons-nous dit, de sa supériorité intellectuelle, parce qu’au point où en étaient arrivées les affaires de l’Hindoustan à la mort de Houmayoûn, par suite des désordres qui menaçaient l’état d’une désorganisation

  1. Les Timourides étaient tous grands buveurs. Akbăr lui-même, dans sa jeunesse, était fort adonné, si nous en croyons le témoignage de son fils, aux plaisirs de la table.