Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/402

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’on nous crucifiait en nous soumettant à des tortures, nous n’avons jamais traité, nous n’avons jamais tourné le dos.

« Montrez-vous donc nos enfans légitimes, et si vous n’attendiez que le cri de guerre, que ce cri devienne le son de la trompette de l’archange pour ressusciter les morts ! que ce cri fasse une tempête qui secoue et ébranle tous les pays par où elle passe !.

« PANAGHIOTI SOUTZO. »


En même temps que M. Panaghioti Soutzo se faisait le Tyrtée de l’insurrection projetée, le professeur de philosophie de l’université d’ Athènes, M. Bambas, publiait dans le Siècle un appel aux armes non moins incendiaire. L’envoyé turc à Athènes, Nechet-Bey, qui avait été insulté quelque temps avant par un officier grec, ne put laisser passer sans protestation de pareils excès. Le danger des articles du Siècle n’était pas seulement dans l’effet qu’ils pouvaient produire sur l’esprit du peuple grec : s’ils étaient traduits et répandus en Turquie, ils pouvaient exciter parmi les Turcs des sentimens de défiance et de haine dont les rayas auraient été les premières victimes. Nechet-Bey demanda que le gouvernement grec désavouât et blâmât formellement les diatribes du Siècle dans ses organes officiels. M. Païcos ne donna qu’une satisfaction dérisoire à une demande si juste et si modérée. Les journaux du gouvernement ne blâmèrent, dais les violences du siècle que leur inopportunité ; le journal de la grande idée put continuer ses ardentes provocations à la guerre, et quand arriva le manifeste de l’empereur Nicolas, il le fit imprimer en lettres d’or pour l’envoyer dans les provinces.

Malgré les réponses évasives et subtiles de M. Païcos aux représentations des ministres de France et d’Angleterre, la politique oblique du gouvernement se trahissait de jour en jour davantage. À la fin d’octobre, au terme de la session de la chambre dont les pouvoirs allaient expirer, le gouvernement fit voter un emprunt de 5 millions de drachmes. Le prétexte apparent de cet emprunt était de venir au secours des provinces qui souffraient de la disette ; mais les indiscrétions des amis du gouvernement, du commissaire de la banque entre autres, n’en laissaient pas ignorer le but réel. Il s’agissait de parer aux éventualités de la guerre. Cet emprunt était hypothéqué sur une des branches les plus assurées du revenu, au mépris des conditions stipulées en 1832 au profil de l’emprunt de 60 millions, garanti et jusqu’à ce jour servi par les puissances protectrices. La France et l’Angleterre auraient dû au moins être averties de cette mesure financière, qui avait pour conséquence de transférer un de leurs gages à de nouveaux créanciers ; elles avaient le droit de s’opposer à cet emprunt, dont la destination n’était point claire : sur la protestation du gouvernement grec, elles se désistèrent pourtant