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observer les nouvelles formations de ce genre, et la plus importante est sans contredit celle qui se fit à la chute de l’empire romain. Il se développa alors quatre langues principales, dont l’une est déjà morte : l’italien, l’espagnol, le français et le provençal ; c’est lui qui, après avoir jeté un grand éclat, s’éteignant à mesure que le français s’étendait, est devenu un simple idiome provincial. Des quatre, l’italien est le plus voisin de la langue mère, étant, à vrai dire, du latin moderne ; that soft bastard latin, comme dit Byron, conserva les articulations primitives, et, sans dénaturer le corps des mots, il en dénatura les inflexions. Le français est le plus éloigné, non pas que l’élément fondamental ne soit aussi latin qu’en Italie même, l’immense majorité des mots a cette origine, mais ils ont tous été altérés d’une façon uniforme et caractéristique, à tel point qu’il est aisé de reconnaître aujourd’hui ceux qui y sont d’origine ou ceux qui y ont été plus tard introduits directement du latin. Ainsi, pour qui connaît le procédé instinctif qui présida à cette élaboration, fidèle est nouveau et refait sur fidelis ; la forme ancienne est féal, qui est encore usité. Il en est ainsi partout : des consonnes intermédiaires tombent, des voyelles faibles disparaissent, et il en résulte un mot très contracté et désormais marqué au coin français. Il est généralement coupé sur la syllabe qui dans le latin avait l’accent ; ainsi dominus, qui avait l’accent sur do, fait dom, qui est accentué ; domina fait dame avec da accentué. Cette habitude se généralisant, il en est résulté que l’accent s’est trouvé toujours placé sur la dernière syllabe quand la terminaison est en rime masculine, et sur l’avant-dernière quand la terminaison est en rime féminine. Grande simplification pour la règle des accens, quand on la compare avec ce qu’elle est en italien, en anglais et en allemand, et qui compense quelques-unes des difficultés et des anomalies de notre idiome ! Vu l’uniformité de cette formation, on ne peut l’attribuer au hasard d’altérations grossières et inintelligentes ; il faut y voir le résultat d’une disposition dans l’oreille et dans le gosier du peuple indigène, qui était un peuple celtique, et l’on peut dire que le français est, au fond, du latin prononcé par des Celtes. On arrive à confirmer ce point de vue quand on fait entrer dans la comparaison les caractères de quelques-uns des dialectes celtiques encore existans.

On a remarqué que, lorsque deux langues se rencontraient et se pénétraient, le produit qui résultait de cette combinaison était privé des principaux caractères grammaticaux appartenant aux idiomes qui s’étaient trouvés en contact. Ainsi les cas tombent et disparaissent, les personnes des verbes deviennent uniformes. On en a un exemple très frappant dans l’anglais ; là, un dialecte germanique, que la conquête avait implanté dans la Grande-Bretagne, se heurta avec le français, qu’une nouvelle conquête amenait ; le résultat fut une