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sainte qui a conduit le XVIe siècle à l’hérésie. L’éducation chrétienne et l’enseignement classique, l’étude simultanée des grands écrivains de l’antiquité gréco-romaine et de l’antiquité ecclésiastique, tel est le programme de M. l’abbé Daniel. L’épiscopat français s’est prononcé dans le même sens, et le saint-siège, dans l’encyclique du 21 mars 1853, a consacré le même principe. La philologie antique, ainsi soutenue par l’élite du clergé, n’a pas cessé de trouver dans l’Université un point d’appui solide. Espérons que le nouveau code universitaire, en simplifiant, en spécialisant les études, en ouvrant à des vocations distinctes des voies plus larges, sera favorable aux études classiques, et qu’un nouveau progrès couronnera dans l’avenir la réforme qui vient de s’accomplir dans nos lycées, ainsi que le mouvement qui s’est manifesté au sein du clergé.


II.

On voit quelles ont été chez nous, depuis la renaissance, les vicissitudes de la langue latine : il faut maintenant, avant de passer à la littérature proprement dite, examiner quelques-uns des livres qui servent à l’enseigner aujourd’hui. Ces modestes travaux ont un but bien important, puisqu’ils forment à la vie intellectuelle les générations qui nous suivant, et qui bientôt nous crieront de leur faire place.

En comparant les ouvrages élémentaires adoptés de notre temps avec ceux dont on se servait sous l’ancienne monarchie, on reconnaît tout d’abord que ces modestes écrits se sont notablement améliorés. Jusqu’au milieu du XVIIe siècle en effet, tous les traités destinés à l’enseignement, y compris les syllabaires français, étaient rédigés en latin, et la Civilité puérile et honnête avait à peu près seule, à cette date, le libre usage de l’idiome national. Les pédans avaient méconnu ce principe, que les règles des langues, ainsi que celles des sciences, doivent être simples et naturelles, et que ce n’est point, comme le dit Pascal, barbara et baralipton qui forment le raisonnement. Ils s’étaient appliquées avant tout à obscurcir et à embrouiller ; ils suivaient pour enseigner la grammaire la même méthode que le maître de langues de M. Jourdain : en se servant d’un latin tout hérissé de barbarismes, ils avaient trouvé le secret d’être encore moins démonstratifs. On conçoit au prix de quels efforts de malheureux enfans acquéraient l’instruction, quand il leur fallait, comme l’a dit justement M. Sainte-Beuve, partir de l’inintelligible pour arriver à l’inconnu.

Port-Royal commença la réforme ; il substitua dans les livres élémentaires le français au latin, proscrivit le thème, et, inaugurant la méthode que l’on suit encore aujourd’hui en Angleterre, en Hollande et en Allemagne, il réduisit l’enseignement élémentaire, d’une part à une étude approfondie de la grammaire, et de l’autre à l’interprétation des textes, en ajoutant à cette interprétation quelques dialogues latins soutenus de vive voix et improvisés entre le maître et l’élève. En un mot, Port-Royal traita la langue morte comme une langue vivante. Non content de professer dans ses classes, il propagea ses théories et sa pratique par une foule de petits ouvrages, tels que grammaires, éditions annotées ou expurgées, jardins des racines, qui obtinrent le plus grand succès auprès des maîtres, auxquels Ils épargnaient de pénibles efforts.