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premier échec par l’envoi d’une seconde flotte qui revint sans avoir rien fait, et lui-même il en préparait une nouvelle à Portsmouth, lorsqu’il fut assassiné le 2 septembre 1628. À sa demande, Herbert avait commencé une relation de la première expédition. Il l’interrompit à sa mort ; mais les écrits qui parurent dans l’intérêt de la France, notamment un récit intitulé la Descente des Anglais, puis celui qu’avait publié le Mercure Français, la relation composée en latin par l’avocat Isnard, enfin celle du jésuite Monet, le décidèrent à reprendre son ouvrage pour répondre aux prétentions de nos historiens. Il en terminait la dédicace au roi Charles Ier dans son château de Montgomery le 10 août 1630. C’est une histoire apologétique, où cependant les faits essentiels ne sont pas dénaturés, et les éloges continuellement donnés à Buckingham n’empêchent pas un lecteur clairvoyant de juger sa conduite ; l’auteur, qui paraît avoir travaillé sur de bons matériaux, n’a eu que le tort de choisir cette occasion pour étaler son érudition. Il a écrit en latin et s’est donné une peine aussi puérile que malheureuse pour exprimer dans cette langue les détails techniques de la guerre moderne. Sans paraître se souvenir qu’il eût été diplomate et militaire, il a pris le ton d’un savant, le ton que commençaient à fuir les savans du XVIIe siècle ; il a multiplié les citations, surtout les citations grecques, en semant sa narration des fleurs d’une rhétorique pédantesque. L’ouvrage, curieux et qui n’est pas à dédaigner sous le rapport historique, n’a pour nous d’autre mérite que de montrer sous un nouveau jour les connaissances et les prétentions d’un homme qui semble avoir eu plusieurs caractères. Au reste, pour des raisons qu’on ne peut que soupçonner, il ne publia pas cet ouvrage de son vivant, et ce n’est qu’en 1656, qu’un docteur de l’université d’Oxford, Haldwin, du collège de All-Souls, l’imprima pour la première fois[1].

Les opinions exprimées dans les mémoires et dans les ouvrages de lord Herbert, l’esprit dans lequel est écrite son histoire de Henri VIII, ce que nous savons de sa conduite à la cour et dans les affaires, tout porte à le considérer comme un serviteur dévoué de la couronne, et rien ne nous aurait laissé soupçonner jusqu’ici qu’il eût aucune des idées et des passions qui devaient soulever une partie même de la noblesse anglaise et contre Buckingham, et contre Strafford, et enfin contre Charles Ier. Cependant, lorsque la lutte s’engagea entre la royauté et le parlement, il prit plutôt parti pour le pays, non qu’il allât dès l’abord à la pensée d’une révolution. Quand le roi fut menacé, il le défendit à la chambre des lords au risque de blesser l’assemblée,

  1. Expeditio in Ream insulam, authore Edovardo, Dom. Herbert, Barone of Cherbury in Anglia et Castri insula de Kerry in Hibernia, et pare utriusque regni in 1630. Londres 1656. — Le style a probablement été revu par Thomas Master.