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une somme de 5 ou 600 millions pour préparer et pour fournir la campagne de 1855. Ces trésors de l’action, faute desquels on devrait licencier une partie de l’armée et se replier derrière les frontières, le gouvernement voudra sans doute les puiser dans la réserve métallique de la forteresse ou dans une émission supplémentaire de billets de crédit, peut-être même dans l’un et l’autre expédient combinés ; mais s’il diminue la réserve des métaux précieux qui soutiennent la valeur des billets, il ébranlera la confiance ; s’il augmente la somme du papier circulant, s’il en offre plus qu’on n’en demande, il l’aura bientôt déprécié, et, avec une somme plus forte de billets, il se procurera une moindre quantité des objets qui lui sont nécessaires. Dans tous les cas, il ajoutera peu à ses ressources, et il appauvrira du même coup le trésor et le peuple. Il pourra imprimer une grande activité à la presse qui vomira les assignats, mais il n’en fera pas jaillir de l’argent.

Sans forcer les inductions qu’il est permis de tirer des faits, et sans prédire à l’ennemi des catastrophes qui semblent pourtant fort probables, comme l’entêtement ne suffit pas pour féconder des finances ni pour mettre en mouvement des armées, nous sommes en droit d’affirmer que, la guerre prenant de telles proportions, la Russie n’a pas les moyens de fournir deux campagnes. Si le gouvernement du tsar, au prix des plus grands sacrifices et des plus cruelles souffrances, en décrétant le cours forcé des billets et la banqueroute des établissemens de crédit, parvenait à résoudre cette difficulté, ce serait un effort suprême. À la troisième campagne, l’empire russe, humilié et désorganisé, ne résisterait pas mieux à la révolte qu’à l’invasion.


LEON FAUCHER.


Les Eaux-Bonnes, 25 juillet 1854.