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établi dans quelques-uns des états particuliers, et si on n’y pourvoit pas à présent, le mal ne manquera pas de se propager et de causer beaucoup d’embarras. Rechberg exprime l’espérance que l’on pourra faire quelque chose à Vienne dans ce sens ; mais le meilleur symptôme d’un résultat aussi désirable, ce serait une disposition de la part de la Bavière elle-même à permettre la révision de la constitution insensée qu’elle s’est donnée. »


Cette lettre est, à mon avis, un curieux témoignage de ce qu’étaient alors les inclinations du gouvernement anglais et de ses agens en matière de politique extérieure : sauf quelques ménagemens de forme qu’ils laissaient de côté dans leur correspondance confidentielle, ces inclinations n’étaient pas plus libérales que celles de l’Autriche. La conférence de Vienne ne réalisa pas complètement toutefois les vœux exprimés par sir Frédéric Lamb : nous avons déjà dit que les constitutions établies dans le midi de l’Allemagne ne furent pas soumises à une révision, et l’action énergique de la diète suffit pour rendre la tranquillité à l’Allemagne, où le jacobinisme, renfermé encore dans le cercle des hommes de lettres et des étudians, n’avait pas jeté à cette époque des racines aussi profondes que beaucoup de personnes le supposaient.


II.

La France était restée étrangère à ces discussions. Son affranchissement était trop récent, trop peu consolidé encore pour qu’il n’y eût pas eu de sa part quelque imprudence à vouloir s’immiscer si promptement dans les affaires des autres états, dans celles d’un pays surtout où sa domination avait laissé des souvenirs si pénibles et si irritans. Sa situation intérieure s’était d’ailleurs assez aggravée dans le cours de l’année qui venait de finir pour que la pensée de ses hommes d’état ne pût guère se porter et leur action s’exercer au-delà de ses frontières.

Le ministère libéral dont j’ai rappelé les premiers actes n’avait pu réussir, malgré ses nombreuses concessions, à désarmer les ressentimens des implacables ennemis de la monarchie des Bourbons, ni même à satisfaire toutes les exigences, à calmer toutes les inquiétudes de certains amis de la liberté trop impatiens ou trop défians. Après l’avoir d’abord accueilli comme un libérateur, on les avait vus, à son premier refus d’accéder à leurs réclamations impérieuses, lui déclarer une guerre aussi vive que celle qu’ils avaient faite au précédent cabinet. La presse périodique, à peine délivrée de la censure, était devenue contre le nouveau ministère l’instrument des agressions les plus passionnées et les plus outrageantes. Les collèges électoraux, appelés chaque année à renouveler un cinquième de la chambre des députés, ne s’étaient pas bornés cette fois à repousser