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ferre arma[1] ? » Il est vrai que ce juge sévère s’imagine toujours, à propos de mon latin, que definire fontem veut dire en français définir une source, et qu’il trouve monstrueux haurire narrationem, après qu’Horace a dit haurire prœcepta, Cicéron haurire calamitates, etc… Ces grands précepteurs de notre âge en savent plus sur les lois de la bonne latinité que les anciens eux-mêmes.

« On m’accusera peut-être d’un excès de susceptibilité envers un critique qui donne si complaisamment sa propre mesure. Je ne tiens pas non plus à passer pour un habile latiniste : cette prétention ne siérait guère à un homme qui, comme bien d’autres, a recommencé à près de trente ans des études très imparfaites. Mais M. Louandre ignore sans doute que les thèses soumises à la Faculté des lettres passent sous le regard vigilant du respectable doyen qui la préside, que le vidi et perlegi dont il les accompagne lorsqu’il en permet l’impression n’est pas un vain mot, et que, pour l’honneur de la Faculté, les concurrens sont charitablement avertis des fautes qui leur échappent. Il ne dépend pas du savant doyen, sans doute, de donner du talent à ceux qui n’en ont pas ; mais sa censure atteint tout ce qui viole les lois de la grammaire, et cette censure en vaut bien une autre. Désormais, je pense, M. Louandre se tiendra pour averti.

« Agréez, monsieur, l’hommage de ma considération distinguée.

« LENORMANT.

« Paris, 6 août 1854. »


Avant d’insérer la réclamation de M. Lenormant, nous devions la communiquer à M. Louandre, et voici la réponse qu’il nous adresse :

« Nous nous empressons, en ce qui touche le texte de la citation qu’on vient de lire plus haut, de reconnaître que la réclamation de M. Lenormant est juste, en ajoutant que nous nous serions fait un devoir de rectifier les inexactitudes dont nous nous sommes malheureusement aperçu trop tard, mais sur le compte desquelles du reste il était impossible de se méprendre, à cause du galimatias même de la première citation. L’auteur nous a épargné le soin de faire l’errata. Il a vu une intention malveillante dans ce qui n’était qu’une erreur de typographie, et, en nous adressant sa thèse et ses observations, il a pleinement confirmé, de sa propre main, l’opinion que nous avions émise dans l’article inséré au numéro du 1er août. Nous avons aussi, pour notre part, à faire une correction dans le passage qui concerne M. Lenormant ; cette correction, la voici : on lit, pag. 574 de l’article les latinistes français au dix-neuvième siècle : « Ce qui nous a frappé en lisant le latin des thèses, c’est de voir qu’en général ce sont les érudits de profession, — ceux qui pratiquent le plus habilement l’antiquité, — qui éprouvent le plus d’embarras à manier la langue de Virgile et de Cicéron. » C’est habituellement que nous avions écrit et c’est habituellement qu’il faut lire. La pureté du texte ainsi rétablie

  1. Afin que M. Louandre ne croie pas que je me suis mis en frais d’érudition pour lui répondre, je crois devoir l’avertir que j’ai fait tout simplement usage du dictionnaire de M. Quicherat.