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ses souffrances et une exhortation à la concorde. Les citations nous arrêteraient trop longtemps ; elles ne prouveraient d’ailleurs que ce que nous voyons partout dans les écrits de Foscolo, l’idée de l’Italie toujours présente au poète comme au citoyen. Déjà dans Ajax on avait vu des arrière-pensées politiques fort éloignées peut-être de l’esprit de Foscolo ; nous ne savons par exemple si, en dessinant le caractère indomptable d’Ajax, que l’intrigue d’Ulysse a privé des armes d’Achille, l’auteur avait réellement voulu indiquer aux spectateurs le général Moreau. On le crut, et cette persuasion avait redoublé les applaudissemens d’une part, mais aussi augmenté la froideur de l’autre. Ricciarda fut arrêtée par la censure, on l’accusait de réveiller les passions éteintes ; mais, quand la censure se compose d’hommes de lettres, elle se compose de rivaux. Foscolo s’expliqua lui-même avec les ministres, et Ricciarda fut jouée. Cette pièce ne tint pas longtemps au théâtre. Ce n’est pas que le succès eût manqué au poète : tandis que Foscolo restait impassible au fond d’une loge et se drapait dans son stoïcisme, les applaudissemens, les cris appelaient en vain l’auteur sur la scène. À chaque entr’acte, les clameurs triomphales redoublaient ; le public, faisant fonction de peuple souverain, entendait bien contraindre Foscolo à paraître devant la rampe. On crut un instant que le troisième acte ne pourrait commencer. Le podestat, craignant le désordre, venait prier Foscolo de se laisser porter en triomphe ; mais le poète était un véritable Zenon : il exposait sa pièce, il n’exposait pas sa personne ; il fallut bien couper court à l’ovation, faute d’un triomphateur. Tandis que l’auteur de Ricciarda se comportait au fond d’une loge du théâtre de Bologne comme un héros de Plutarque, les événemens se précipitaient au dehors : on était au mois de septembre 1813 ; deux mois après, l’Italie était à deux doigts de sa ruine ; ce n’était plus ni un temps ni un pays à jouer des tragédies. Foscolo retira Ricciarda du théâtre, et se prépara aux émotions d’un drame plus sérieux.

Pour n’interrompre pas ce que nous avions à dire du poète, nous n’avons pas fait mention de ses leçons dans l’université de Pavie : elles furent données entre l’Ajax et la Ricciarda, au commencement de 1810, et contribuèrent beaucoup à étendre sa popularité. Le gouvernement du vice-roi d’Italie l’avait désigné pour la chaire d’éloquence. Cette chaire était presque de fondation nouvelle ; l’enseignement qui en était l’objet était le fruit des idées venues de France ; il avait pour l’Italie un caractère presque révolutionnaire. Deux noms célèbres s’étaient attachés à cet enseignement : Parini, avant la conquête française, avait fait dans le collège de Brera un cours sur la littérature, et laissé des traces profondes dans la mémoire de la jeunesse. À l’époque de Parini, c’était déjà faire de la révolution que