Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/959

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conseil d’état et du corps législatif combinés, sont portées à 1,562 millions. Or le budget de l’année prochaine aussi bien que celui de l’exercice courant, malgré les hostilités commencées, a été réglé sur le pied de paix. Les frais de la guerre restent en dehors, et figurent à un compte spécial, comme cela se pratiquait sous la monarchie pour les travaux extraordinaires. Il est impossible de ne pas faire remarquer que le budget de 1852, le dernier que l’assemblée législative ait voté, fixait les dépenses à 1,447 millions. Ce rapprochement avertit que l’on aurait tort de mettre les gros budgets au compte exclusif du gouvernement parlementaire. Le pouvoir, pour lequel on ne revendique pas ce titre, a aussi des exigences à satisfaire et des plaies à panser. Quoi qu’il en soit, l’absence d’un contrôle décisif ne paraît pas avoir été un principe d’amélioration pour nos finances. La responsabilité du gouvernement, n’étant plus partagée, s’accroît ainsi devant le pays et devant l’histoire : voilà tout.

Passons aux forces contributives de la nation. Il faut reconnaître que la France n’a pas fait de tels progrès dans l’accumulation des capitaux, qu’on puisse, sans se préparer quelque mécompte, lui imposer toutes les charges que le peuple anglais serait capable de supporter. J’ai vu le temps, et cette époque n’est pas très éloignée de nous, où l’on calculait que la place de Paris, le grand et peut-être le seul réservoir des capitaux flottans, ne pouvait pas fournir plus de 10 millions par mois pour de nouvelles entreprises. Et de fait, chaque fois que l’on avait devancé la formation de l’épargne nationale, l’on avait produit une crise sur le marché. C’est là, entre autres exemples, l’histoire de 1845. J’admets que ces épargnes se forment aujourd’hui moins lentement et sur une plus grande échelle. Le marché des chemins de fer représente déjà un capital de 1 milliard 1/2, qui n’existait pas il y a dix ans ; mais ce marché, comme celui de la rente, n’a-t-il pas donné quelques signes de surcharge ? N’a-t-il pas paru, même avant tout présage de guerre, plier un moment sous le faix ?

Ce serait envisager les choses en optimiste que d’estimer à 5 ou 600 millions par année les épargnes de la France. Faites la part de ce qui va naturellement s’engager dans l’agriculture, dans l’industrie manufacturière et le commerce, et vous verrez ce qui restera tant pour les dépenses extraordinaires de l’état que pour les grands ira vaux d’ordre public. 20 ou 25 millions par mois aujourd’hui me paraîtraient une hypothèse fort large. C’est du reste le calcul que semble avoir fait, en déterminant les conditions de l’emprunt, M. le ministre des finances ; 250 millions réalisables en quinze mois représentent en effet, pour chaque échéance mensuelle, un versement d’environ 16 millions 1/2. Encore ne faut-il pas perdre de vue qu’au moment où