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à occuper le pays. « Nous désirons, disait encore lord Castlereagh, laisser à l’Autriche toute sa liberté d’action, mais nous réclamons aussi la nôtre. Il est dans l’intérêt de l’Autriche que nous gardions cette position : elle nous permet, dans le parlement, de considérer et par conséquent de respecter les mesures qu’elle prendra comme des actes d’un gouvernement indépendant, doctrine que nous ne pourrions soutenir, si nous participions à ces actes. »

L’étendue de cette lettre, dont je me suis borné à indiquer les points principaux, prouve combien les idées qui y sont développées préoccupaient lord Castlereagh. On peut la résumer ainsi : le cabinet de Londres ne voulait pas s’associer à des déclarations de principes ni entrer formellement dans des arrangemens qui eussent été difficiles à défendre devant les chambres anglaises, mais il approuvait les projets de l’Autriche, il en désirait le succès ; il était même disposé, moyennant certaines précautions de forme, à y contribuer par son appui moral, et en faisant ainsi valoir la convenance de ménager une certaine liberté d’action au cabinet de Vienne, il donnait assez à comprendre qu’il n’entendait pas le chicaner sur la nature du régime qu’il établirait à Naples après y avoir renversé la constitution démocratique.

Nous avons vu que les intentions du gouvernement français étaient bien plus libérales ; il eut un moment l’espérance de les faire prévaloir. D’une part, il se faisait quelque illusion sur les dispositions du cabinet de Londres, et ne pouvait le croire aussi enclin à abandonner d’une manière absolue la cause constitutionnelle ; de l’autre, il comptait sur les sentimens qu’avait manifestés jusqu’alors l’empereur Alexandre, et dont, peu de jours avant l’ouverture du congrès de Troppau, ce prince renouvelait encore l’assurance à un agent français qu’on lui avait envoyé à Varsovie, où il était venu assister à la seconde session de la diète polonaise. Le comte Capodistrias, qui passait pour son ministre le plus confidentiel, s’exprimait en toute occasion dans le même sens, et le langage des envoyés russes qui recevaient de lui leurs inspirations semblait ne laisser aucun doute sur l’attitude qu’allait prendre le cabinet de Saint-Pétersbourg. Substituer à Naples à la constitution des certes une charte à la fois libérale et monarchique, arriver à ce résultat par la médiation de la France et écarter ainsi l’intervention autrichienne, tel semblait être le but que la France et la Russie allaient poursuivre de concert dans le congrès qui s’ouvrait à la fin d’octobre 1820.

Malheureusement l’esprit de l’empereur Alexandre, déjà ébranlé par la révolution espagnole, par la conspiration militaire qu’on venait de découvrir à Paris, et par les craintes qu’elle lui fit concevoir sur la stabilité du gouvernement français, reçut en ce moment même un nouveau choc de deux incidens survenus dans ses propres états.