Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/970

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour 100, soutenu par les achats au comptant, qui n’ont pas cessé d’agir, même dans les momens les plus critiques, a regagné le cours de 98 francs 10 centimes. Le 3 pour 100 est encore de 6 francs au-dessous du prix qu’il obtenait à la fin de juin 1853. Les actions des chemins de fer sont généralement remontées à leur cours d’il y a un an ; mais c’est encore une baisse de 8 à 10 pour 100, si l’on tient compte de la hausse égale qu’aurait dû amener dans la cote de ces valeurs la progression du revenu.

En résultat, le crédit n’a pas repris son assiette ; mais les événemens, qui l’ont éprouvé quelque temps, on ont mis en évidence la solidité. Il y a d’ailleurs des motifs de se rassurer, que je trouve considérables. Premièrement, par un temps de guerre et de disette, les produits de l’impôt indirect, ce thermomètre de la consommation, n’ont que très faiblement diminué ; secondement, l’impôt volontaire que le public paie aux compagnies de chemins de fer, pour prix du transport des personnes et des marchandises, et qui indique assez exactement le mouvement des affaires, a donné des résultats constamment progressifs. On peut donc en induire sans témérité que le revenu de la nation, s’il n’a pas augmenté, n’a pas diminué d’une quantité qui soit vraiment appréciable. C’est une année perdue pour l’accroissement de la richesse, et voilà tout.

Mais, si l’on veut que les ressources nationales conservent cette élasticité, il faudra qu’on les ménage. L’industrie, un peu trop encouragée, a mis toutes voiles dehors. Sans parler des usines et des manufactures, qui n’exigent pas l’autorisation des pouvoirs publics, depuis le 31 décembre 1851, en deux années, l’étendue des chemins de fer concédés a dépassé quatre mille kilomètres. Quatre mille kilomètres de chemins de fer représentent, sans parler de la subvention de l’état, une dépense d’environ un milliard pour les compagnies. Supposons que la moitié de ce capital ait déjà été réalisée ; 500 millions à lever sur le public en quelques années paraîtront encore une contribution très lourde. Il faudra que, par la prudente lenteur de l’exécution, en fractionnant les appels de fonds, en différant les emprunts, en ajournant tous ces embranchemens qui ne sont, à vrai dire, que des communications vicinales, les compagnies tempèrent l’effet que l’apparition simultanée de tant d’entreprises a produit. Que serait-ce si le gouvernement, ne prenant pas conseil des circonstances, allait, comme on l’a prétendu, faire des concessions nouvelles, ou ajouter aux charges des concessions déjà faites ? Nous aurons bien assez, pendant la guerre, de continuer et de mener à fin les travaux commencés pendant la paix ; ce n’est pas pour l’industrie le moment de former de vastes projets, de spéculer, ni d’entreprendre.

Ne voit-on pas d’ailleurs que la force des choses résiste à l’audace