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les villes et les compagnies, se les disputent Si la recolle de ces fruits réservés promet d’atteindre à 500 millions, on entreprend pour un milliard.

Avant la guerre, les esprits prévoyans n’étaient pas sans inquiétudes déjà sur le crédit public, mené ainsi au train de course. La guerre est venue, qui a donné un premier avertissement ; n’attendons pas le second. Il serait triste, avec tant d’élémens de force et de prospérité, quand la nation ne manque pas d’ardeur, que le gouvernement manquât de ressources. Cessons de prendre la fortune publique pour une quantité sans fin. Ajournons les entreprises nouvelles, fussent-elles déjà proclamées à son de trompe. Modérons l’essor de toutes celles qui sont en voie, d’exécution. Si l’on veut que l’état trouve chaque année, pour mener la guerre avec énergie, une ressource extraordinaire de 300 millions, il faut lui laisser le champ libre. L’industrie, assise au banquet du crédit, y avait pris double place ; tant que le canon grondera, elle fera bien de se contenter des miettes du festin.


Nous avons passé en revue les finances de la Russie, celles de l’Angleterre et celles de la France. Nous avons entrepris cet exposé sans passion, ni parti pris, bien convaincu que ce que nous avions à cœur de démêler, la vérité des situations respectives, était ce qu’il importait le plus au public de savoir. On ne trompe que ceux que l’on a intérêt à éclairer, quand on dissimule sciemment les forces de ses adversaires. Nous pensons avoir fait une peinture fidèle, autant que le permettent les documens officiels, qui sont rares, incomplets et obscurs dans l’empire russe, et dans lesquels le régime actuel en France ne se pique pas de prodiguer la clarté.

Il résulte, de cette comparaison entre les ressources des puissances belligérantes, que la Russie en est aux expédiens dès la première campagne, ce qui ne paraît pas laisser une grande marge à son obstination ; que la France a d’immenses richesses, que l’on n’a pas assez ménagées, et qui ne lui permettront qu’au moyen d’une direction plus économe de soutenir les efforts qu’elle fait en ce moment ; que l’Angleterre seule peut sans effort comme sans retard, à toute heure et tant qu’il le faudra, se procurer les trésors que la guerre, ce grand consommateur d’argent, exige.

Voilà le spectacle, à notre avis très intéressant et fort instructif, que la guerre d’Orient a donné aux peuples. Quelle conclusion l’opinion publique de l’Europe va-t-elle en tirer ? Tout le monde pensera, nous n’en doutons pas, que la Russie n’a jamais mesuré son ambition à ses forces réelles, et qu’elle n’a de son côté, dans la lutte, ni la puissance ni le droit : peut-être même en viendra-t-on à considérer