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UN
POÈTE BOURGEOIS
AU QUINZIÈME SIÈCLE


I

LA JEUNESSE DE GUILLAUME COQUILLART.


En l’année 1490, Mgr Philippe de Croï, gouverneur de Reims, se trouvant forcé de quitter précipitamment la ville, écrivait une lettre d’excuses à la commune : cette lettre ne contenait que trois noms, elle était adressée au Lieutenant du bailly de Vermandois, au lieutenant des habitans, et à Guillaume Coquillart. Le lieutenant du bailly de Vermandois, Philippe de Bezannes, était le représentant du pouvoir législatif et administratif de la royauté ; le lieutenant des habitans était, à cette époque, le dépositaire de la puissance communale. Quel était donc ce troisième personnage, quel était cet habitant de Reims sans titre, sans désignation honorifique, dont le nom figurait sur une lettre d’excuses écrite par le mandataire suprême du roi en l’élection de Reims, par le descendant de cette fière et puissante race des Croï, qui avait balancé à la cour du duc Philippe de Bourgogne l’influence du propre fils de Philippe, Charles, plus tard le Téméraire ? Nous interrogerons la vie, les concitoyens et les contemporains de ce bourgeois, nous verrons ce qu’ils nous répondront. Pour nous, à première vue, à cette distance d’où nous le regardons, Guillaume Coquillart est tout simplement le poète le plus cynique du XVe siècle. Il nous a toujours semblé qu’il y avait la révélation d’une singulière époque dans cette nécessité qui avait fait de Mgr Philippe de Croï, représentant du roi de France, le respectueux correspondant de Guillaume Coquillart, poète cynique, et nous avons reconnu en effet que nulle biographie n’est plus féconde en enseignemens que celle-là. Dans l’histoire, dans