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dès lors à prendre un ascendant décidé sur son brillant et aventureux rival Capodistrias, parvint très promptement à établir entre les cours de Russie, d’Autriche et de Prusse, un concert dont la France et l’Angleterre se trouvèrent exclues, parce qu’en réalité il n’eût pas été possible à des gouvernemens constitutionnels d’y prendre part. Le 19 novembre, les plénipotentiaires des trois cours signèrent un protocole préliminaire qui posait, en style mystique et doctrinal, le principe d’une sorte d’excommunication politique contre les états où une révolution viendrait à dominer, qui reconnaissait à l’alliance le droit d’intervenir même par la force pour la réprimer, et décrétait, au nom de cette alliance, l’occupation militaire du royaume de Naples.

Je ne raconterai pas en détail les nombreux incidens du congrès de Troppau et de celui de Laybach, qui en fut la continuation. On sait comment, sur l’invitation des souverains alliés, le vieux roi de Naples se rendit auprès d’eux à Laybach, comment, après avoir promis à ses sujets de défendre dans le congrès l’indépendance et la constitution du pays, il s’empressa, dès qu’il fut arrivé sur le sol étranger, de désavouer ses promesses et de donner une pleine adhésion aux volontés des puissances absolutistes, comment enfin, le gouvernement révolutionnaire de Naples ayant refusé de se soumettre à ces volontés que l’Autriche lui avait fait notifier dans des formes assez blessantes pour ne laisser aucune chance à la conciliation, une armée de quatre-vingt mille Autrichiens fut dirigée, au nom des cours de Vienne, de Saint-Pétersbourg et de Berlin, vers le territoire napolitain.

Les intentions modérées et généreuses du cabinet des Tuileries se trouvaient ainsi complètement paralysées. Tout avait tourné contre lui, — et la défection imprévue de l’empereur Alexandre, et le désaccord qui s’était manifesté entre les plénipotentiaires du roi au congrès, et, ce qui explique ce désaccord, les dissentimens qui existaient en France sur la grande question du moment, non-seulement entre le gouvernement et l’opposition libérale, qui eût voulu qu’on défendît les armes à la main la révolution napolitaine, mais entre ce même gouvernement et le parti ultra-royaliste, qui l’accusait de ne pas se joindre à l’Autriche pour la combattre. Ainsi contrarié et desservi de tous les côtés, n’ayant que le choix des périls et des obstacles, le ministère de Louis XVIII continua pourtant jusqu’au dernier moment à faire tout ce qui dépendait de lui pour modérer les résolutions extrêmes, pour maintenir, au moins en apparence, l’union des grandes cours que l’Autriche venait de rompre avec tant d’artifice et pour arrêter l’empereur Alexandre sur la pente où on le poussait. Les ménagemens, la circonspection que lui imposait une