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Déjà ton pied qui s’allège
A dépassé les grands bois ;
Viens vers la coupe de neige
Où s’abreuvent les chamois;
Jamais une main grossière.
Jamais l’homme et sa poussière
N’ont souillé l’onde où tu bois.

Viens t’y plonger! et peut-être.
Toi qui rêves liberté.
Des vertus qui la font naître.
Par nous tu seras doté.
Notre eau d’azur et de glace
Prête à tous ceux qu’elle enlace
Sa force et sa pureté.

FRANTZ.


C’est toi que je demande à la lumière, aux ondes.
Toi qu’enferme la terre en ses reins de granit,
Toi que je veux puiser à ces roches fécondes
D’où jaillit le grand fleuve où l’aigle a fait son nid.

Toi qui meus l’univers de ta base immobile,
force, ô bien suprême, ô mère des vertus !
Viens rapporter le calme en mes flancs abattus :
L’homme reste agité quand son cœur est débile.

Ce repos que j’invoque, il n’appartient qu’aux forts;
Eux seuls auront connu cette paix souveraine
Qui n’est point le sommeil, la torpeur où je dors;
Eux seuls sont à jamais sans colère et sans haine.

Ici je sens mon âme et mon corps raffermis;
J’aspire à pleins poumons la vie universelle;
Un soleil créateur sur tout mon corps ruisselle.
Et, mieux prêt au combat, je n’ai plus d’ennemis.

Ici, la nature ouvre à mon nouveau courage
Un monde à conquérir sans y causer de pleurs.
J’y suis fier d’arracher les cristaux et les fleurs
Aux abruptes sommets défendus par l’orage.

J’y sens, à chaque essor vers l’horizon vermeil,
A chaque halte au bout d’une cime élancée,
J’y sens la passion qui cède à la pensée
Comme un feu trop grossier éteint par le soleil.