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courans maritimes ou fluviatiles peut produire des effets comparables ou même supérieurs aux effets de la marée. Après l’observation des Grecs sur les mouvemens singuliers de l’Euripe entre l’Eubée et la côte d’Aulide, mouvemens auxquels les Grecs ont attaché la renommée qui suivait toutes leurs paroles, et mettant de côté l’anecdote très apocryphe d’Aristote se précipitant dans ce détroit de désespoir de ne point trouver la théorie de ses agitations, nous dirons qu’à Venise, au fond du golfe Adriatique, les marées, renforcées par le resserrement local, sont très sensibles et souvent dépassent un mètre. Il est vrai que l’action du vent est augmentée dans la même proportion ; mais en s’aidant d’observations faites dans les pleines et dans les nouvelles lunes et pendant des temps calmes, Toaldo nous a donné de bonnes études des influences des actions de la lune et du soleil sur le niveau de la mer dans ces localités. Alexandrie d’Égypte paraît avoir des marées d’au moins un demi-mètre, dont l’ignorance a été fatale à l’époque de la bataille d’Aboukir, en éloignant l’idée de la possibilité de mettre la flotte à l’abri. L’amiral Smyth cite encore d’autres localités où l’influence luni-solaire n’est pas douteuse. On voit avec étonnement qu’il attribue certains courans du détroit de Messine à l’action des marées ; il en résulterait que, les deux grands bassins de la Méditerranée verseraient tour à tour leurs eaux à l’orient ou à l’occident, et que par cet étroit passage l’effet des dénivellemens deviendrait bien plus sensible.

Je ne puis m’empêcher de citer les belles paroles de Newton sur ce point intéressant des mouvemens des marées en général. « Tandis que dans les mers ouvertes l’élévation des eaux est en proportion avec la force soulevante de la lune et du soleil, et ne monte qu’à quelques pieds, — dans les localités restreintes au contraire, la vitesse acquise par les eaux, tant pour le flux que pour le reflux, ne peut être détruite qu’après que la mer s’est élevée à trente, à quarante pieds, même à cinquante et au-dessus. » Newton fait preuve ici comme ailleurs d’une grande habileté dans le choix des expressions de la langue latine, et il cite plusieurs des ports de la Manche, tant sur la côte anglaise que sur la côte française, où les marées sont énormes. Nous ajouterons qu’il eût pu citer les marées de cent et cent vingt pieds qui s’observent dans la baie de Fundy au Canada, dans les anciennes possessions françaises. On peut rendre à l’amiral Smyth la justice qu’il ne lui échappe dans son ouvrage aucun trait de rivalité nationale contre la France militaire ou scientifique, et cependant il est un des officiers qui ont tenu le plus longtemps la mer dans le blocus des côtes de France qui a précédé 1815. On aime à lire dans le paragraphe relatif à nos côtes méditerranéennes ces mots encadrés dans la suite du discours : « La France, ce pays tour à tour royaume, république ou empire, mais toujours puissance de pre-