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côte de Valence ; c’est encore ce qui explique pourquoi, dans le courant rapide des Dardanelles, les eaux de la Mer-Noire suivent la côte d’Europe de préférence à la côte asiatique. De même le courant du Nil, qui marche en sens contraire, se porte à l’est, et il longe les côtes de Syrie. Il semble donc s’établir une espèce de circuit qui, dans le bassin du levant, suit la côte d’Asie, et, tournant ensuite à l’occident, vient rejoindre les eaux fournies par la Mer-Noire. Ce circuit se complète naturellement en revenant par l’Archipel, par la Grèce méridionale, par le sud de la Sicile et par le nord de l’Afrique, où, comme courant de retour, il est dirigé de l’ouest à l’est. Depuis la côte de Tunis jusqu’à celle de Tripoli et d’Alexandrie, ce courant s’observe indubitablement ; mais il reste fort douteux qu’il se relie avec le courant, dirigé aussi vers l’est, qui longe la côte d’Algérie jusqu’à Carthage, dans le bassin occidental. Tout porte à croire qu’il s’établit dans cet autre bassin un circuit tout pareil, formé par les eaux de l’Océan, qui entre par l’ouest dans le détroit de Gibraltar, côtoie l’Afrique française, et, remontant le long de l’Italie occidentale, vient rejoindre, par le golfe de Gênes, les eaux du Rhône et de l’Èbre. La salure de la mer, à la superficie et dans des profondeurs considérables, trahira l’origine des eaux qui la composent ; mais c’est surtout le courant de la Mer-Noire, dont les eaux sont si peu salées, qui sera facile à reconnaître dans les parages de Rhodes, de la Crète, des Cyclades et de Cythère. Dans la table des degrés de salure donnée plus haut, on voit pourquoi la salure est bien plus considérable à l’est et vers le milieu de la mer qu’à l’ouest et sur les côtes d’Espagne. Reste la question de savoir si la salure n’est pas beaucoup plus considérable au fond de la Méditerranée que vers la surface, qui reçoit immédiatement les eaux douces des fleuves et de la pluie. Il suffit d’avoir remarqué combien, dans une tasse de thé où l’on jette du sucre sans agiter le liquide, le fond sucré se mêle lentement à la surface qui ne l’est pas ; avec un peu de dextérité, on fait aussi cette expérience curieuse, de remplir d’abord à moitié avec de l’eau un verre sur lequel on met ensuite du vin sans que le mélange s’opère. Rumford allait encore plus loin, car, après avoir rempli à moitié un vase d’eau froide, il versait au-dessus de l’eau chaude qui ne s’y mêlait que tardivement. Il pourrait donc se faire que la plupart des courans méditerranéens ne fussent que des courans superficiels et pas du tout des courans de fond. Alors la salure du fond serait plus considérable que celle de la surface. Le sel qu’amène l’Océan serait ainsi logé dans les profondeurs de notre mer intérieure, ce qui expliquerait l’étonnante salure de 129 millièmes reconnue dans l’intérieur du détroit, à 670 brasses anglaises de profondeur. Attendons l’observation, et nous saurons ; jusque-là, malgré notre légitime