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en est abritée par la chaîne prolongée du Caucase, paraît offrir le plus beau climat du monde pour la salubrité, pour la douceur des saisons et la richesse des productions de la terre, tandis que la partie nord, balayée par ces impitoyables courans d’air, n’offre, comme la partie méridionale de la Russie, que des steppes sans végétation arborescente. Par un singulier effet d’abritement local, tandis que la partie méridionale de la Mer-Noire est sujette aux tempêtes qui lui avaient valu le nom de Pont-Axin, c’est-à-dire «mer inhospitalière, » la partie septentrionale est comparativement calme et sûre. À voir dans l’ouvrage de M. Smyth tout ce que la science peut encore obtenir de notions importantes par l’observation, on se demande dans quel siècle futur pourra être terminée l’histoire naturelle de cette mer ; ce ne sera évidemment qu’après que la civilisation aura fait naître sur chaque point des observateurs sédentaires, qui recueilleront sans peine plus de renseignemens précis que toutes les expéditions scientifiques de France et d’Angleterre n’en pourraient rassembler dans leurs stations temporaires.

Si l’action du vent est souvent incommode et même nuisible, son absence est aussi souvent pire. On connaît le dicton populaire qui prétend que la ville d’Avignon est ennuyeuse quand il fait du vent, et malsaine quand il n’en fait pas.

Avenio ventosa,
Cum vento fastidiosa.
Sine vento venenosa,
Omni tempore odiosa.

Sans vouloir garantir l’exactitude de cette boutade, remarquons que l’homme se plaint bien souvent de ce qui lui est utile, et qu’en satisfaisant à ses vœux, la Providence lui rendrait un fort mauvais service. Il est, suivant l’expression de Virgile, « ingrat par ignorance. »

Ignarus rerum, ingratusque salutis.

Tout ceci s’applique à cette terrible malaria qui infeste tant de localités sur les côtes d’Espagne, de France et surtout de la Corse orientale et de la campagne de Rome, et dont le vent d’ouest préserve les côtes occidentales d’Europe. Sans doute l’abri des montagnes de Corse est pour beaucoup dans la production de la malaria des rivages bas de la Corse et des côtes d’Italie qui lui font face. L’amiral Smyth examine la question de savoir si, depuis Romulus, qui, dit-on, choisit un lieu salubre au milieu d’une région pestilentielle, le climat de la campagne de Rome a changé ou est resté le même ; je pense qu’il a sensiblement empiré, puisque certains quartiers de Rome sont aujourd’hui envahis par ce fléau qui n’admet